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Orchestre national du Capitole – Tugan Sokhiev (direction)

by Bruno del Puerto

Sous l’égide du chiffre 5, dernier concert de notre Orchestre

Dernier concert de la saison 2022-2023 en effet, des musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse ce samedi 10 juin à 20h à la Halle. Ils seront dirigés par Tugan Sokhiev. Deux monuments au programme, le Concerto pour piano n°5  “L’Empereur“ de Beethoven suivi de la Symphonie n° 5 de Mahler. Le concert est annoncé, évidemment, complet.

Rudolf Buchbinder Photo: Marco Borggreve

La Halle aux Grains sera en vacances. Les musiciens, pas tout à fait. C’était la grande formation le vendredi 26 mai sous la direction de Cornelius Meister pour un très beau concert, notamment pour cette pièce de Régis Campo, présent, “Art Spirit, à réentendre, et pour une Symphonie n° 2 de Brahms de très belle facture.

En attendant c’est Rudolf Buchbinder qui sera le soliste du fameux Concerto pour piano “L’Empereur “en mi bémol majeur, op. 73 de Ludwig van Beethoven, pianiste autrichien déjà accueilli à la Halle.

Rudolf Buchbinder est un des interprètes légendaires de notre époque, avec une carrière de plus de 60 ans (il est âgé de 76 ans) s’appuyant sur l’esprit et la spontanéité de son jeu de piano. Sur Beethoven, on le dit un puits sans fond de connaissances. Sa lecture de la grande littérature pianistique alliant tradition et innovation, fidélité et liberté, authenticité et ouverture d’esprit constitue un véritable socle. Il possède par exemple près de 40 éditions des Sonates pour piano de Beethoven. Toutes ses qualités l’ont fait membre honoraire, entre autres, de l’Orchestre philharmonique de Vienne, de l’Orchestre symphonique de Vienne et de l’Orchestre philharmonique d’Israël. Il est le premier soliste à recevoir l’insigne d’or de la Staatskapelle de Dresde.

Au cours de la saison 2019/20, pour la première fois en 150 ans d’histoire, le Musikverein de Vienne a accordé à un seul pianiste, Rudolf Bucbinder, l’honneur d’interpréter les cinq concertos pour piano de Beethoven avec cinq orchestres et cinq chefs d’orchestre de classe mondiale dans une édition spéciale. On ne vous citera pas les noms……

Ludwig van Beethoven

Quelques mots sur cette partition, monument pour piano et orchestre

Ludwig van Beethoven [Bonn, 16,17 ? décembre 1770 – Vienne, 26 mars 1827]
I. Allegro
II. Adagio un poco moto – attacca
III. Rondo. Allegro ma non troppo      durée ~ 40 mn

Que dire du très fameux Concerto pour piano n° 5 en mi bémol majeur, dit « l’Empereur », si ce n’est, qu’il est un favori des pianistes et du public depuis sa création en 1809, et dont l’histoire du disque a montré de multiples visages dont aucun n’épuise sa richesse. Tout pianiste qui se respecte veut l’enregistrer. Sa numérotation est un peu trompeuse, Beethoven ayant écrit sept concertos pour piano entre 1784 et 1809, s’il l’on inclut sa propre transcription de son Concerto pour violon, effectuée à la demande de Muzio Clementi. Mais l’opus 73 constitue bien son dernier mot dans le genre. Comme Mozart avant lui, Beethoven était un formidable pianiste. Son élève Carl Czerny décrit un jeu qui « se distinguait par une force invraisemblable, une grande originalité, un brio et une facilité déconcertants ».

Ces caractères-là imprègnent les trois mouvements, c’est peu dire. Celui où Beethoven dépasse une nouvelle fois les cadres formels qu’il n’avait pourtant cessé de repousser est bien le premier, presque aussi imposant que les deux autres réunis. Porté par un « souffle d’improvisation grandiose » (Knut Franke), d’une carrure quasi martiale, il offre des développements proprement symphoniques aussi amples que librement construits. Soliste et orchestre y dialoguent, s’affrontent, avec une énergie et un élan impérieux, mais sur un pied d’égalité. La figure d’entrée du piano saisit. Le premier grand développement orchestral transporte.  La majesté de cet Allegro con brio révèle un ton dominateur qui établit un climat en totale opposition avec celui du concerto précédent, opus 58.

Mais comment résister à l’émotion saisissante qui sourd du Largo, et à la simplicité somptueuse de l’entrée du piano, qui commente et enrichit le climat serein établi par l’introduction orchestrale? Amené par une transition fascinante qui inspirera bien des successeurs de Beethoven (Schumann au premier chef), le dernier mouvement transforme l’élan du premier en ivresse conquérante. Parce que cette œuvre hors normes nous est devenue familière, elle nous surprend moins qu’elle ne continue à nous impressionner. Mais il est bon de rappeler les circonstances de la création, que Czerny devait assurer à la demande même du compositeur. Il y renonça pourtant, submergé par la splendeur de l’œuvre, la responsabilité qui lui incombait et, ajoutons-le, le peu de temps qui lui était imparti pour la préparer. Le Concerto pour piano en mi bémol majeur a été créé au Gewandhaus de Leipzig le 28 novembre 1811 par Friedrich Schneider sous la direction du Gewandhauskapellmeister  Johann Philipp Christian Schulz. Il est dédié « à sa Majesté Impériale l’Archiduc Rodolphe ». Il doit certainement son titre, attribué après la mort de Beethoven, moins à cette dédicace qu’a son puissant rayonnement.

Orchestre national du Capitole © Romain Alcaraz / Onct

En savoir un peu plus sur ce chef-d’œuvre “beethovenien“, cliquez ici.

Suite du concert : Symphonie n°5, en ut dièse mineur de Gustave Mahler

Quelques mots sur la Cinquième de Mahler et son indissociable “tube“, l’Adagietto, mouvement tellement connu qu’il en deviendrait presque un handicap pour tout le reste de la partition. Au sujet de cette dernière, il a été écrit : « C’est un véritable casse-tête pour les instrumentistes, l’une des plus difficiles à mettre, et surtout à tenir en place : son écriture chambriste, la fragmentation suractive des motifs littéralement écartelés entre les pupitres, ses mètres changeants, la quantité d’incises, de parenthèses, de déviations rythmiques comme mélodiques, le refus presque pathologique de toute verticalité, des jeux de nuances dynamiques et expressives surabondants, font des trois premiers mouvements autant de défis quasiment insurmontables. »

Tugan Sokhiev © Marco Borggreve

1.  Trauermarsch. In gemessenem Schritt. Streng. Wie ein Kondukt – Marche funèbre. D’un pas mesuré. Sévère. Comme une procession funèbre.

2.  Stürmisch bewegt. Mit größter Vehemenz. Orageux, agité. Avec la plus grande véhémence.

3.  Scherzo. Kräftig, nicht zu schnell. Vigoureux, pas trop rapide.

4.  Adagietto. Sehr langsam. Très lent.

5.  Rondo-Finale. Allegro – Allegro giocoso. Frisch (frais) 70 mn

Mais si l’on dressait un bilan de ce qui attire de nos jours les foules pour écouter du Mahler, on aurait du mal à comprendre ce qu’un musicologue et critique comme Romain Rolland lui reprochait il y a cent ans : « La Cinquième est d’une longueur excessive (…) Rien ne justifie une telle dimension. Elle vise au colossal et, le plus souvent, elle est vide. Il y a dans toute l’œuvre un mélange de rigueur pédante et d’incohérence : du décousu, des arrêts brusques qui coupent le développement, des idées parasites qui l’interrompent sans raison musicale, des interruptions de vie. »

Sur la Symphonie toujours, et plus particulièrement l’Adagietto, cliquez ici.

Michel Grialou

Orchestre national du Capitole
samedi 10 juin 2023
Site Internet • Concert complet

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