Accueil » La Flûte enchantée – Théâtre du Capitole

La Flûte enchantée – Théâtre du Capitole

by Bruno del Puerto

La Flûte enchantée, Die Zauberflöte ou la victoire finale de l’humain

Retour de La Flûte dans l’antre du Théâtre du Capitole, la production précédente ayant eu lieu à la Halle aux grains. La nouvelle est confiée dans sa conception, sa mise en scène et sa chorégraphie à Pierre Rigal, l’artiste aux multiples casquettes artistiques, gymnaste, danseur, chorégraphe, performeur et surtout amoureux de musique. À la direction musicale, Frank Beermann officie.

Pierre Rigal © Jihye Jung

 « L’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart est peut-être, nous confie le chef d’orchestre, celui que j’ai dirigé le plus souvent. » Il essaie à chaque fois d’en avoir une lecture renouvelée, et note que la direction musicale doit s’épanouir en rapport étroit avec la mise en scène pour œuvrer à une genèse commune. Là, plus qu’ailleurs, musique, chant et théâtre ne font qu’un. Ce chef, que le Théâtre et ses fidèles apprécient fort a soulevé l’enthousiasme des spectateurs et des musiciens lors de sa venue pour Parsifal et Elektra.

La Flûte est un singspiel en deux actes sur un livret d’Emanuel Schikaneder, composé mais sûrement en commun avec Mozart, les deux faisant partie de la même loge maçonnique de l’Espérance. Les circonstances exactes de la conception restent toutefois difficiles à établir. Disons que Schikaneder est un comédien ambulant, souvent en tournée avec sa troupe, donnant singspiels, comédies et tragédies. Lui-même est à la fois acteur et chanteur, auteur et compositeur, et gestionnaire…De retour à Vienne, il reprend justement la direction du complexe Theater auf der Wieden et supplie le compositeur de monter quelque pièce pour renflouer les caisses. Ce sera donc La Flûte créée le 30 septembre 1791 avec Mozart au pianoforte dirigeant. C’était sa dernière œuvre scénique, deux mois avant sa mort. Le succès fut plutôt rapide et ne se démentit plus, essaimant dans toute l’Allemagne. Pour illustrer notre titre, il se dit que Mozart était fier d’avoir enfin trouvé son vrai public à savoir, les hommes et non les princes.

Frank Beermann © Julia Bauer

Mais attention, soyons clair, la première erreur à éviter, lorsqu’on s’apprête à écouter La Flûte enchantée, c’est de croire que l’on va entendre un opéra. Ce serait plutôt à la fois, un conte merveilleux, une fable philosophique, un mystère religieux, un opéra maçonnique, une comédie à machines {dixit Jakob Engel}. Envoyé à Vienne, ce dernier, écrit encore à l’empereur de Prusse à Berlin qui veut son avis : « …c’était une œuvre avec des décorations et des transformations fort belles et variées. » C’est donc Pierre Rigal qui, avec toute son équipe et les innombrables moyens actuels doit recréer toute la magie qui a déterminé alors toutes ces salles affichant complet, malgré la complexité du livret et ses incohérences.

 « La Flûte enchantée trouve en ce chaos sa miraculeuse simplicité : elle nous montre la peine et le baume, le jour qui triomphe de la nuit, le chemin d’amour et de fraternité qu’il faut emprunter. Voilà qui n’est d’aucun système. Les sentiments qui y dominent nous sont donnés dans une sorte d’absolu, un état natif à qui la terre et la vie n’ont fait subir aucune dégradation… » Christophe Ghristi.

Johann Joseph Zoffany, 1778, les musiciens ambulants comme un Emanuel Schikaneder

Qui dit singspiel dit des passages parlés et des airs en allemand tout au long de l’opéra. Pour rendre l’ouvrage plus facile à suivre pour le public, et le Directeur artistique souhaitant ardemment que tout un chacun comprenne chaque mot, les dialogues, d’une importance capitale, seront donnés en français. Ils participent en effet de l’œuvre et prennent part à son intensité dramatique. C’est Dorian Astor, philosophe, agrégé d’allemand, germaniste et chanteur lyrique ! qui est chargé de ces dialogues et de l’écriture additionnelle et de toute la dramaturgie fort délicate. Mais le projet, fourmillant d’idées, nécessite de nombreux intervenants et, son ambition nécessite de tous les citer car, nous avons des lumières. Elles sont capitales et sous la tutelle de Christophe Bergon. Nous aurons de la danse sous la responsabilité de Mélanie Chartreux. Costumes et scénographie, c’est pour Adelaïde Legras.

Sachons que Mozart a pu hésiter à nommer son opéra Mystères égyptiens et que ses liens avec les symboles et les idées de la franc-maçonnerie, sur l’écriture même de la musique, sont nombreux. Ce courant de pensée universel a traversé les siècles et Mozart en était bien un de ses membres. Fortement en lien avec le côté humanisme, le compositeur a voulu illustrer dans son ouvrage qu’il pressentait comme le dernier, l’ensemble des symboles nous livrant la clef. Et justement, on assiste à quelques épreuves conduisant à l’initiation du dénommé Tamino, le jeune prince égaré, l’homme à la flûte en quête de la vérité.

Mozart peint par Johann Georg Edlinge

À ses côtés, il y a Papageno, personnage dont Schikaneder ne faisait lui-même qu’une bouchée sur scène. C’est l’oiseleur, l’homme de nature, vivant de chasse et de troc, proche des oiseaux auxquels il doit son nom (le Papagei, perroquet bariolé et bavard). Livré à ses instincts élémentaires – boire, manger, se reproduire – Papageno est fondamentalement inapte à l’éducation. C’est un naïf et satisfait de son état. Sans projet, ni progrès envisageable, il est incapable d’imaginer le sens des épreuves que subit Tamino à ses côtés, le prince au cœur pur et sa flûte passe-partout. On le croirait presque, stupide mais il est surtout désarmant de bonne humeur, de drôlerie, et surtout de bon sens. Indéniablement, une part de Mozart se sent proche du bon vivant toujours joyeux, aimant faire des farces, et coureur de jupons en diable. Sa préoccupation principale. Papageno lui, a ses clochettes.

Alors, à côté de la distribution vocale concoctée par Christophe Ghristi et qui fait la part belle aux voix jeunes indispensables, et quel panel de haut niveau, les nombreux seconds rôles tout comme, continuons sur le plan crucial du théâtre à citer Roy Genty, pour la dramaturgie, mise en scène, scénographie, costumes, Rocio Ortiz au graphisme, Agathe Vidal, dramaturgie et mise en scène toujours, et enfin, Frédéric Stoll pour la scénographie et l’ingénierie. Sur scène, il faudra des gosiers… et des âmes d’enfant.

Dorian Astor

À l’énoncé, on devine la difficulté de l’entreprise et il serait peut-être fort à propos d’assister à la conférence de Dorian Astor le jeudi 16 décembre, à 18h, au Grand Foyer, justement intitulée : « La Flûte enchantée, entre conte initiatique et comédie populaire. » Ayons à l’esprit que Mozart était fasciné par le théâtre musical populaire en langue allemande, ce qui ne l’a pas empêché de révolutionner le genre en lui offrant une musique dont la difficulté et la qualité étaient celles des grands opéras. Le singspiel lui sied fort et se rapproche de notre opéra-comique. Donc, des dialogues en français pour un public francophone, en accord avec le “divin“ Mozart. Pour lui, le Théâtre c’était l’essentiel, ne l’oublions pas.

Dans un prochain article, nous nous rapprocherons de la distribution vocale. 

Michel Grialou


Théâtre du Capitole
du 19 au 30 décembre 2021
Site InternetBilletterie en Ligne

Articles récents