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Festival de Toulouse • Entretien avec Julien Martineau

by Bruno del Puerto

Le mandoliniste Julien Martineau a fondé en 2022 le Festival de Toulouse, le 4e du nom ayant lieu cette année du 28 juin au 11 juillet. Pour Culture 31, il revient sur la jeune histoire de la manifestation organisée par la Mairie de Toulouse et sur quelques-uns des grands moments des précédentes éditions. Alors que l’avenir s’annonce incertain pour le secteur culturel en raison de la baisse du soutien financier de l’État et des collectivités, il insiste sur la nécessité d’un réalisme économique pour les organisateurs de festivals et sur le rôle de plus en plus crucial du mécénat. Entretien.

Julien Martineau © Pierre Beteille
Julien Martineau © Pierre Beteille / Culture 31

Quel bilan tirez-vous des trois premières éditions du Festival de Toulouse ?

Le bilan est extrêmement positif ! Nous avons fait le choix de placer la création et le “sur mesure” au centre du projet artistique du festival, et en seulement trois éditions, nous avons su trouver notre public constitué surtout de gens curieux de découvrir de nouveaux horizons musicaux. Pourtant, lancer un nouvel événement en période post-Covid représentait un pari audacieux, en particulier sur le plan économique, pour la Mairie de Toulouse qui porte l’événement. Le Festival de Toulouse prenait la suite de “Toulouse d’été” avec l’ambition de réduire les coûts de moitié, un objectif que nous avons atteint dès la deuxième édition.

Quels ont été les chiffres de fréquentation de l’édition 2024 ?

Nous y avons accueilli 9 000 spectateurs avec un taux de remplissage des concerts atteignant 90 %. J’ajoute que nous avons aussi participé à l’hommage du Stade Toulousain à Claude Nougaro devant 20 000 personnes, en invitant un chœur de 50 musiciens et un brass band où l’on retrouvait notamment des solistes de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse.

Avez-vous retenu quelques moments marquants lors des trois premières éditions du festival ?

J’avoue qu’il m’est difficile de faire une sélection… Cependant, si je ne devais retenir que trois temps forts, je citerais d’abord la création-hommage à Antoine de Saint-Exupéry composée et interprétée l’an dernier par Ibrahim Maalouf avec l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, en présence d’Olivier d’Agay, petit-neveu de l’écrivain.

Ensuite, il y a eu l’incroyable concert donné par l’Orchestre national du Capitole à la Prairie des Filtres lors de la toute première édition, sous la direction d’Yvan Cassar et avec des invités comme Julien Clerc, Natalie Dessay, de nombreux solistes classiques, et Kavinsky pour clôturer la soirée. Malgré la canicule et des températures supérieures à 40º C ce jour-là, la COVID toujours en embuscade, ce grand événement reste un souvenir inoubliable.

Enfin, je garde en mémoire la prestation de Philippe Katerine avec l’Orchestre national du Capitole et ses fabuleux musiciens. Beaucoup de spectateurs sont venus à cette soirée en ayant l’image d’un artiste simplement fantasque et sont ressortis émerveillés par un concert inattendu, d’une poésie rare et d’une grande virtuosité pour l’orchestre avec les brillantes orchestrations de Lucas Henri.

Comment définiriez-vous la formule et l’esprit du festival et comment ont-ils évolué depuis la première édition, que ce soit sur le plan artistique ou en termes d’organisation ?

Sur le plan artistique, la ligne du festival est restée constante depuis sa création : proposer une programmation exigeante autour des musiques savantes, avec du classique, du jazz, des musiques du monde, mais toujours accessible. Cette volonté de construire un projet sur mesure, sans cloisonnement esthétique, constitue l’ADN du Festival de Toulouse.

L’évolution la plus significative concerne les lieux des concerts. Lors de la première édition, les représentations se tenaient en plein air, au Jardin Raymond VI, site magnifique qui jouxte le Musée des Abattoirs. Cependant, la forte canicule qui a sévit cette année-là a révélé les limites de ce format, tant sur le plan logistique que s’agissant du confort du public et des artistes.

Nous avons donc fait le choix, dès la deuxième édition, de localiser nos concerts dans de grandes salles de spectacle toulousaines. Outre une acoustique remarquable pleinement adaptée à notre programmation, ces lieux climatisés nous ont permis de mieux maîtriser les coûts techniques en pleine explosion depuis 2022. Cette évolution structurelle s’est donc révélée déterminante, puisque sans perdre en convivialité – nous avons conservé notre buvette – nous avons pu nous développer tout en réduisant le coût du festival.

Quels sont les têtes d’affiche et les temps forts du festival 2025 ?

Nous accueillons cette année Dee Dee Bridgewater, Véronique Sanson, Pierre de Maere avec l’Orchestre national du Capitole, Arthur H accompagné par l’Orchestre de Chambre de Toulouse, ainsi que la mezzo-soprano Marina Viotti qui a enflammé la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024 en se produisant avec le groupe de metal Gojira, leur prestation ayant été récompensée par un Grammy Award.

Parmi les temps forts, je tiens à préciser que l’ouverture du festival sera retransmise en direct sur France Musique et Mezzo pour le concert de jazz cubain de Rolando Luna avec El Comité. France Musique, partenaire du Festival de Toulouse depuis la première édition, nous offre cette année une exposition exceptionnelle, marquant une nouvelle étape dans l’histoire de notre manifestation.

Le mécénat a-t-il joué un rôle important dans le développement du festival ?

Le mécénat est aujourd’hui essentiel pour développer un événement culturel, quel qu’il soit. À une époque où les financements publics se raréfient, il permet au Festival de Toulouse de proposer une programmation de très grande qualité en maintenant des tarifs accessibles, avec entre autres la gratuité pour les moins de 13 ans et de nombreux tarifs réduits. Le mécénat rend également possible la mise en place d’actions en direction de nouveaux publics. Nous organisons par exemple des rencontres dans des centres culturels avec des artistes de premier plan comme Ibrahim Maalouf, Kyle Eastwood l’an passé ou Arthur H et Pierre de Maere cette année. Ces moments privilégiés sont l’occasion de sensibiliser un nouveau public à la musique classique et au jazz, en leur offrant une approche simple et conviviale.

Aujourd’hui, qui sont vos partenaires clés, privés ou institutionnels ?

Tous nos mécènes et partenaires, qu’ils soient privés ou institutionnels, sont indispensables à la réussite de notre aventure. Nous avons la chance de pouvoir compter sur l’expertise et la confiance de l’association AÏDA – association réunissant des mécènes soutenant la musique vivante à Toulouse – pour le développement de notre mécénat, et sur le soutien de grandes entreprises et de grandes institutions. Cela dit, les contributions plus modestes sont tout aussi nécessaires et bienvenues. Un festival ne peut s’épanouir que s’il parvient à fédérer autour de lui aussi bien son public que l’ensemble de ses partenaires et mécènes.

Comme l’ensemble du milieu associatif, le monde culturel est soumis à la baisse des subventions publiques, que ce soient celles de l’État ou des collectivités, ce qui provoque de grandes inquiétudes pour l’avenir. Beaucoup d’événements et de structures craignent de disparaître et il semble qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Selon vous, quelles seront les conditions de la survie pour des manifestations telles que le Festival de Toulouse ?

Face à la baisse des soutiens publics, les acteurs culturels doivent faire évoluer leur modèle en permanence afin de trouver davantage de ressources propres. Ce contexte n’est pas simple et nous confronte à une situation inédite en France, nous obligeant à faire preuve d’une gestion toujours plus sobre et inventive. C’est un défi exigeant et difficile, mais pas une fatalité. Nous devons le prendre comme une opportunité de tisser des liens encore plus étroits avec les mécènes, les partenaires, mais aussi avec le public. À mes yeux, continuer à faire vivre la culture impose de rester fidèles à l’essence même de nos projets : l’art et l’aventure humaine, tout en intégrant un réalisme économique plus rigoureux qu’autrefois. Trouver cet équilibre est complexe, mais c’est de celui-ci que dépend, très concrètement, la survie des événements culturels en France.

Entretien réalisé par Éric Duprix

Pop, cabaret, jazz ou symphonique, le Festival de Toulouse invite Sanson, Viotti, Arthur H… et l’Orchestre du Capitole

Les goûts des autres : Julien Martineau

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