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Depuis toujours nous aimons les dimanches de Lydie Salvayre

by Anthony del Puerto

Dans le sillage de son Irréfutable traité de successologie paru l’an passé, Lydie Salvayre vient de publier avec Depuis toujours nous aimons les dimanches une sorte de traité sarcastique et acéré en forme d’éloge de la paresse.

Attention, une paresse conçue comme un art de vivre – « une paresse résolue, volontaire, sans remords ni regrets, une paresse désirée, joyeuse » – et non comme une « mollasserie poisseuse » propice à l’avachissement du corps et de l’esprit.

De fait, rien de tel que les dimanches – ces dimanches que certains ne supportent plus par l’arrêt qu’ils imposent aux flux du commerce et de la marchandise – pour cultiver une sédition tranquille face aux injonctions des temps modernes.

Lydie Salvayre
 Lydie Salvayre

« Nous aimons les dimanches qui nous donnent le temps d’épouser, à l’instar des jazzmans et des chanteuses de blues, nos rythmes intérieurs, nos mélodies secrètes », écrit la lauréate du prix Goncourt 2014 pour Pas pleurer. Devant la surproduction de biens, de signes, d’images, de spectacles, de sons inutiles, de représentations falsifiées, de tous ces « besoins factices » engendrés par « l’horreur productiviste », elle décline une panoplie d’anticorps : baguenauder, lézarder, musarder, laisser les pensées vagabonder…

Extension du domaine des dimanches 

Lydie Salvayre convoque sans œillères les bons auteurs : Edmond Burke, William Morris, Pascal, Charles Fourier, Paul Lafargue bien sûr et son Droit à la paresse, Keynes, Debord, saint Matthieu… Evidemment, ce livre aussi malicieux qu’insolent choquera notamment ceux que l’auteur nomme « les apologistes-du-travail-des-autres ». La paresse a mauvaise presse et cela depuis longtemps.

Déjà, en 1937, dans son formidable récit Le Quai de Wigan, George Orwell brocardait les discours démagogiques sur les paresseux qui « trouveraient tout le travail qu’ils voudraient s’ils se donnaient la peine d’en chercher ». Les thuriféraires contemporains de la modernité libérale et les foutriquets de la « start-up nation » n’ont rien inventé.

A rebours, Salvayre préconise « une extension du domaine des dimanches ». Fidèle à son propos, le livre fait des pas de côté, des détours, des pauses. Des exemples font mouche. Proust n’a-t-il pas attendu paresseusement trente-six ans avant de se mettre à l’écriture de sa grande œuvre ?

Le paradis promis à ceux qui croient au Ciel n’est-il pas représenté comme un « un lieu de béatitude », « un lieu de paresse idéal » ? Bref, la paresse c’est beaucoup plus que la paresse. A travers elle, on peut goûter « les douces choses, les choses amères et les choses douces-amères ». La vie, quoi.

Christian Authier

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