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La Vie en mieux d’Anna Gavalda

by Anthony del Puerto

Qu’est devenue Anna Gavalda ? Pas de nouveau livre depuis 2017 et Fendre l’armure. Si nombre de ses lecteurs doivent trouver le temps long, on ne peut que saluer l’attitude d’un écrivain ne se sentant pas obligé d’alimenter la production éditoriale si l’inspiration et l’envie ne sont pas au rendez-vous.

En attendant, on lira ou relira quelques-uns de ses ouvrages comme La Vie en mieux, paru en 2014, qui mettait en scène à travers deux longues nouvelles des gens ordinaires décidant, après une rencontre, de donner un élan inattendu à leur existence programmée.

Gavalda

Voici d’abord Mathilde, vingt-quatre ans, étudiante en histoire de l’art, mais qui travaille dans l’entreprise de son beau-frère où elle doit rédiger de faux commentaires sur des sites Internet. Elle vit en colocation dans un appartement du XVIIIème en compagnie de Pauline et Julie, jumelles sages et ennuyeuses quand Mathilde ne refuse jamais un coup à boire ou une soirée. Chargée par ses colocataires de remettre dix mille euros en liquide à l’entrepreneur ayant refait leur appartement, elle oublie son sac à main contenant le magot dans un café.

Quelques jours plus tard, un homme la contacte pour le lui rendre. Sans dévoiler la suite des péripéties, précisons que le bon (?) samaritain ressemble à Zach Galifianakis dans Very Bad Trip sans la barbe : un « gros baigneur à l’air vaguement bovin et au vocabulaire somme toute limité ». Précisons encore que le garçon se promène avec une valise pleine de couteaux, qu’il a un doigt en moins et porte un blouson sentant la chèvre…

Regard perçant et amoureux

Vient ensuite Yann, vingt-six ans, qui après de brillantes études vend des robots domestiques « dans une espèce de gourbi high tech ». Grâce à son CDI, il voit s’offrir la perspective de pouvoir s’endetter pour continuer à devoir gagner sa vie afin de s’endetter davantage. Sa petite amie Mélanie, visiteuse médicale, s’inscrit parfaitement dans le paysage. Mais la normalité confortable de Yann est troublée par un bruit de fond, celui du chaos du monde, et surtout par une certaine mélancolie. Un soir, après avoir rendu service à ses voisins du dessus, il est invité à dîner chez eux. Plus rien ne sera comme avant…

De ces profils et de ces situations banales, Anna Gavalda tire deux récits à la fois intemporels quant à leurs motifs, mais ancrés dans notre présent à l’image de cette tirade sur ces machines qui nous accompagnent et nous façonnent : « Cet état de manque permanent, ce trou au côté, ces téléphones que vous rongez sans cesse, ces écrans qu’il vous faut toujours déverrouiller, ces vies que vous achetez pour pouvoir continuer à jouer, cette blessure, cette bonde, ces serrements dans votre poche ?

Cette façon que vous avez, tous, toujours, de tout le temps vérifier si on ne vous a pas laissé un mot, un message, un signe, une relance, une notification, une pub… un n’importe quoi. (…) Toutes ces distractions qui vous distraient de vous-mêmes, qui vous ont fait perdre l’habitude de penser à vous, de rêver à vous, de papoter avec la base, d’apprendre à vous connaître ou à vous reconnaître, de regarder les autres, de sourire aux inconnus ».

Aussi à l’aise dans le roman touffu (Ensemble, c’est tout) que dans la nouvelle (Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque partL’Échappée belle), le talent d’Anna Gavalda réside d’abord dans son sens du détail et son œil laser. « Le plus émouvant ne saute jamais aux yeux puisque c’est le regard qui le trouve », peut-on lire ici. « Les gens qu’on aime, on ne les rencontre pas, voyons, on les reconnaît », déclare à un autre moment un personnage. L’art gavaldien est ainsi parfaitement résumé. Un regard perçant et amoureux.

Christian Authier

>  Un livre pour le week-end


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La Vie en mieux – Le Dilettante

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