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Profession : reporter de Michelangelo Antonioni

by Anthony del Puerto

De L’Avventura à Blow-Up en passant par L’Éclipse ou Le Désert rouge, les œuvres marquantes de Michelangelo Antonioni sont des variations autour de l’identité, la fuite, les apparences et autres thèmes dont l’incontournable « incommunicabilité » entre les êtres. Antonioni soumet à la sagacité du spectateur des énigmes et des interrogations qui n’ont pas réellement de réponses. Il filme la solitude et l’ennui, les quêtes vaines de personnages souvent réduits à leur fonction sociale dans des récits où la dramaturgie et les dialogues s’effacent derrière les images.

Profession

De cette œuvre qui semble parfois avoir été créée pour être soumise à l’exégèse et à l’interprétation intellectuelle, c’est peut-être Bruno Cortona, le personnage joué par Vittorio Gassman dans Le Fanfaron de Dino Risi, qui en parle mieux : « La solitude, l’incommunicabilité, et puis ce machin à la mode, l’aliénation, comme dans les films d’Antonioni ! Tu as vu L’Éclipse? Moi j’ai dormi. Mais quel bon réalisateur ! »

Cinéaste de la sensation

Profession : reporter, sorti en 1975, n’échappe pas à la règle. Un reporter britannique, David Locke (Jack Nicholson), en déplacement dans un pays d’Afrique prend l’identité de son voisin de chambre d’hôtel. L’homme, Robertson, est mort d’une crise cardiaque et ressemble étrangement au journaliste qui, dès lors, va honorer les rendez-vous en Europe de celui dont il découvre qu’il était trafiquant d’armes. A Barcelone, Locke/Robertson rencontre une jeune femme (Maria Schneider) qui décide de l’accompagner dans sa nouvelle vie, mais ce qui devait être pour lui une libération se révèle une fuite dont l’issue ne fait guère de doute…

À son habitude, Antonioni alterne séquences mystérieuses et banales, filme les déserts et les villes, lorgne sur l’abstraction, étire le temps. Paradoxalement, plus que la fameuse scène finale (plan-séquence virtuose de sept minutes durant lequel la caméra « s’échappe » d’une chambre à travers les barreaux de la fenêtre…), ce sont des scènes ou des images purement poétiques (la silhouette de Nicholson se découpant sur la mer depuis le téléphérique de Barcelone, celle de Maria Schneider dans la décapotable avec les arbres défilant à l’arrière-plan) que l’on retient de Profession : reporter. Antonioni, cinéaste de l’intellect, était aussi un cinéaste de la sensation.

Christian Authier

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