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Bella Ciao de Eric Holder

by Anthony del Puerto

Trop tôt disparu, Eric Holder (1960-2019) a néanmoins légué une œuvre riche injustement oubliée par les grands prix littéraires, mais dont plusieurs romans (Mademoiselle Chambon, L’Homme de chevet, Bienvenue parmi nous) furent adaptés au cinéma avec un bonheur inégal. Rien de tel alors que de se replonger dans ses livres, par exemple dans Bella Ciao paru en 2009. Comme souvent chez lui, le motif du roman est mince : le narrateur se voit congédié de la maison familiale par sa femme, Myléna, après trente-trois ans de vie commune. Du moins, c’est ainsi qu’il a interprété un lapidaire « J’en ai assez ».

Holder

Depuis des années, cet écrivain, trop accaparé par la boisson, n’avait pas écrit une ligne correcte. Il va trouver un travail d’ouvrier agricole (nous sommes dans les vignes du Médoc) et un toit dans la maison prêtée par des voisins anglo-saxons avec une seule idée : reconquérir cette femme demeurée « la seule raison que j’avais trouvée de vivre. » Il ne faut pas attendre de l’auteur de La Belle Jardinière l’un de ces récits édifiants, qui plaisent tant aux ligues de vertu sanitaire, sur la rédemption d’un alcoolique. Bella Ciao est plutôt la chronique d’une saison partagée entre les travaux des champs épuisants, les souvenirs de la vie d’avant et l’espérance que l’existence reprenne un cours plus apaisé.

Humeur vagabonde

Le personnage que décrit Holder pourrait faire sienne la formule de Blondin selon laquelle il vivait au seuil de lui-même car à l’intérieur il y faisait trop sombre. On retrouve chez lui la pudeur et la délicatesse de l’auteur de L’Humeur vagabonde, par exemple lorsqu’il évoque cet enfant que l’on a regardé « grandir à distance » et auquel on destinait des prières secrètes ou quand il décrit les affinités sélectives et spontanées : « Des coups d’œil furtifs, de part et d’autre, nous renseignent bientôt : nous sommes de la même classe, fière sans mépris, droite dans ses bottes, qui sent toujours, sous l’after-shave, le plâtre. J’offre ici ou là un gorgeon. Nous discutons. L’émotion de s’entendre avec un inconnu, de s’entendre avec une belle personne, a quelque chose d’incomparable. Garçon, remettez-nous ça souvent. » Bella Ciao est un roman tendre et triste éclairé par la grâce : « Chacun de nous connaît une période dans sa vie – elle peut survenir à n’importe quel âge – où il semble qu’une lumière émane du corps, du visage, en une sorte d’apothéose. Nous nous mettons à rayonner, à former un foyer auquel les personnes que nous croisons aimeraient se chauffer. » Lisez Holder.

Christian Authier

Un livre pour le week-end


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