Autour de Mare Nostrum
Du 1er au 9 octobre à Montauban et dans le Tarn-et-Garonne, la 8e édition de Passions Baroques nous invite au voyage en compagnie des compositeurs du bassin méditerranéen, qu’ils soient issus des rives européennes ou orientales de Mare Nostrum. Ce périple musical dédié à l’un des creusets civilisationnels les plus féconds de l’histoire de l’humanité s’articule autour de pièces sacrées et profanes, chantées en latin, grec ancien, arabe, araméen ou occitan. Une programmation audacieuse et dépaysante conçue par Jean-Marc Andrieu, le fondateur et directeur artistique de cet épatant festival à l’identité désormais bien affirmée.
Daphnis et Alcimadure, un opéra occitan en ouverture
Le ton est donné dès le 1er octobre à 20h30 au Théâtre Olympe de Gouges avec la (re)création de Daphnis et Alcimadure en ouverture de l’édition 2022. Oeuvre pastorale inspirée d’une fable de La Fontaine, racontant les amours contrariées du berger Daphnis avec la charmante mais hautaine Alcimadure, l’opéra fut composé par le Narbonnais Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville pour séduire Louis XV et créé en 1754 à Fontainebleau devant le roi et sa cour.
Ce fut un triomphe, performance d’autant plus remarquable que le texte est écrit en occitan, à l’exception du prologue chanté en français par le personnage de Clémence Isaure. Pour cette première à Montauban, en version concert surtitrée, Jean-Marc Andrieu va diriger ses musiciens des Passions de Montauban, le choeur de chambre Les éléments, ainsi que la soprano Élodie Fonnard (Alcimadure), le haute-contre François-Nicolas Geslot (Daphnis), la taille Fabien Hyon (Jeanet) et la soprano Hélène Le Corre (Clémence Isaure).
Cette soirée est précédée d’une avant-scène à 18h au Théâtre Olympe de Gouges, avec Jean-Marc Andrieu et Christophe Ghristi, directeur artistique de l’Opéra national du Capitole, la scène lyrique toulousaine accueillant cette production les 12 et 13 octobre. Un peu plus tôt, à 16h à l’Espace des Augustins de Montauban, projection du documentaire Daphnis et Alcimadure, enquête sur un opéra baroque occitan (entrée libre).
Le festival dans le Tarn-et-Garonne
Département au patrimoine riche et méconnu, le Tarn-et-Garonne recèle quelques jolies bâtisses et propriétés telles que le château de Lamotte, à Bardigues, où le festival fait escale dimanche 2 octobre. Le duo T for Two, formé par Alice Szymanski (flûte traversière) et Albane Imbs (théorbe), y donne à 11h un programme franco-italien d’oeuvres de Domenico Pellegrini, Robert de Visée, Michel de La Barre et Joseph Bodin de Boismortier. En préambule, une visite du château est proposée au public à 10h, le concert étant suivi d’une dégustation de vins du Domaine vinicole de Thermes.
Nous retrouvons la théorbiste Albane Imbs samedi 8 octobre à 20h30 en l’église de Gibiniargues, sur la commune de Puycornet dans le Quercy blanc, pour un autre duo au féminin avec la soprano Clémence Garcia. Leur récital, intitulé Amours italiennes, met à l’honneur les compositeurs transalpins des XVIe et XVIIe siècles avec des oeuvres de Monteverdi, Kapsberger, Frescobaldi, Strozzi et Sartorio. Un hommage à l’Italie, berceau du baroque.
Joyau des édifices religieux tarn-et-garonnais, la superbe abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, à Ginals, abrite une belle collection d’art moderne intégrant de nombreuses œuvres du peintre Simon Hantaï dont est célébré cette année le centenaire de la naissance. À l’occasion de cet anniversaire, dimanche 9 octobre à 15h, l’abbaye et le festival invitent son fils, le grand claveciniste Pierre Hantaï, associé à Manfredo Kraemer (violon) et Jean-Marc Andrieu (flûte à bec). Des pièces de Bach et Telemann sont au programme de ce prestigieux concert de clôture de Passions Baroques 2022.
Montauban, centre du festival
Comme lors de chaque édition, Montauban reste le centre du festival. Les concerts y ont pour écrins les plus beaux lieux que les architectes des siècles passés ont légués à la capitale du Tarn-et-Garonne. Passions Baroques, c’est aussi la redécouverte d’un patrimoine d’exception.
Méditerranée sacrée au Théâtre Olympe de Gouges
Dimanche 2 octobre à 17h, le choeur de chambre Les éléments dirigé par son fondateur, Joël Suhubiette, donne son programme Méditerranée sacrée qui condense à lui seul tout l’esprit et la thématique de cette 8e édition. Une véritable odyssée vocale le long des côtes méditerranéennes où se croisent chants en araméen, latin, hébreu, arabe, grec ancien, de la Renaissance à nos jours. S’y côtoient de glorieux anciens italiens et espagnols comme Rossi (1570-1630), Gesualdo (1560-1613), Victoria (1548-1611) ou Lotti (1655-1740) et les contemporains Markeas (né en 1965 en Grèce) et Moultaka (né en 1967 au Liban).
Vertiges du sacré à l’église Saint-Joseph
Autre rendez-vous à ne pas manquer, le concert Vertiges du sacré, de la Venise du Seicento aux rives de la Palestine présenté par le Concerto Soave vendredi 7 octobre à 20h30 en l’église Saint-Joseph. L’ensemble dirigé par Jean-Marc Aymes (direction, clavecin et orgue) y accompagne la soprano argentine María Cristina Kiehr et le chanteur et oudiste franco-palestinien Moneim Adwan dans un programme où la poésie bouleversante de Mahmoud Darwich rencontre la sensualité du Cantique des Cantiques ou les déchirements des Plaintes mariales, mêlés à des œuvres de Tarquinio Merula, Claudio Merulo et Claudio Monteverdi.
Et aussi, au musée Ingres-Bourdelle et à la médiathèque
Une expérience inédite (et gratuite) est proposée aux esprits aventureux au musée Ingres-Bourdelle, samedi 8 octobre de 10h30 à 12h puis de 16h30 à 18 : les 1 :1 Concerts. Le principe est simple et consiste en un tête-à-tête de dix minutes entre vous et un musicien, seuls dans une salle du musée, sans qu’aucune parole ne soit prononcée. L’artiste choisit un morceau et l’interprète uniquement pour vous. Rien n’est révélé au préalable, vous aurez la surprise de découvrir au dernier moment le musicien, son instrument, et le compositeur et l’œuvre choisis.
Moins surprenant mais tout aussi agréable et gratuit, un Impromptu est offert le même jour au public à 15h par le duo de charme Clémence Garcia/Albane Imbs à Mémo, la médiathèque de Montauban. La soprano et la théorbiste y interprètent leur programme Amours italiennes.
Les « à-côtés » du festival
Passions Baroques, ce n’est pas que des concerts. D’autres propositions en lien avec le thème Montauban et le baroque sont offertes aux festivaliers, érudits ou simples curieux. Jeudi 6 octobre à 17h30 au Théâtre Olympe de Gouges, le journaliste et écrivain montalbanais Jacme Gaudas lit en occitan des poèmes du XVIe siècle, période d’un grand renouveau littéraire, notamment dans le sud de la France. Au programme de cette lecture organisée en partenariat avec l’association Carrefour Castan, des œuvres de Clément Marot, Guillaume de Saluste du Bartas, Auger Galhard et Jean d’Esorbiac (entrée libre).
En complément de cet événement, à la Chapelle de la Maison de retraite protestante, une exposition « Art et littérature baroques. Parcours photographiques et aperçus littéraires » est présentée du 1er au 7 octobre. Les 8 et 9 octobre, Carrefour Castan projette le film L’orchestre d’une tragédie sur l’œuvre d’Antoine Bourdelle et propose visites, conférence et discussion sur le baroque à Montauban avec Bruno Queysanne, professeur d’architecture et historien.
Toujours jeudi 6 octobre au Théâtre Olympe de Gouges, de 19h à 22h30, première projection du documentaire Mémoires baroques, une traversée des passions (à 20h30) précédée d’une présentation (à 19h) et d’un buffet (à 19h30). Ce film met en lumière des aspects peu connus de la conception de la musique baroque au-delà des frontières européennes, illustrés par la tournée faite il y a quelques années en Bolivie par Jean-Marc Andrieu et son orchestre Les Passions à l’invitation du festival international « Misiones de Chiquitos ». La projection est suivie d’un temps d’échanges avec la réalisatrice Laure Larrieu, la chercheuse Liz Antezana et Jean-Marc Andrieu (entrée libre sur réservation).
Enfin, ceux qui aiment la belle ouvrage ne manqueront pas de jeter un œil à l’Exposition de costumes d’opéras à la Maison du Crieur de Montauban. Costumes et accessoires issus des ateliers de l’Opéra national du Capitole y sont dévoilés au public du 1er au 29 octobre.
Dans le droit fil des précédentes éditions, Passions Baroques reste fidèle à l’esprit d’ouverture et à l’originalité qui font sa marque de fabrique depuis sa création. La diversité des propositions et la qualité de la programmation 2022 en témoignent, belles comme un coucher de soleil sur la Méditerranée.
Bon festival !
Entretien avec Jean-Marc Andrieu par Serge Chauzy
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