Accueil » « Planets » Musique cosmique – Jeff Mills / Orchestre national du Capitole

« Planets » Musique cosmique – Jeff Mills / Orchestre national du Capitole

by Administrateur

Toujours occupé par des créations inédites, le pio­nnier de Detroit nous revient tout de même à la Halle avec son  album Plan­ets, musique cosmique, mi-classique, mi-électronique, à la tête de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse le jeudi 7 avril à 20h.

Jeff Mills © DR

Le concert retrouvera les musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse dirigés par Christophe Mangou, une odyssée supervisée par Jeff Mills, adaptation orchestrale et arrangement toujours placés sous la responsabilité de Sylvain Griotto.

Rappelons que le “sorcier“ du mixage, The Wizard, est Jeff Mills, ce producteur de musique et DJ qui fut l’un des contributeurs à l’émergence et à la reconnaissance de ce mouvement musical dit musique techno. Cofondateur alors du label Underground Resistance en 1989 avec Mike Banks, et autres figures comme Kenny Larkin, Carl Craig, son parcours l’a conduit de Détroit jusqu’aux quatre coins de la planète Terre. Son premier album, Waveform Transmission paraît alors en 1992.

Mais le Jeff Mills d’aujourd’hui est bien loin de sa musique d’alors. Dès 2000, il se tourne vers l’art et le cinéma. Plus qu’aucun autre artiste “élec­tro“, le natif de cette ville mythique qu’est Detroit, n’a de cesse d’explorer des ter­rains de jeu nou­veaux pour dévelop­per sa musique, dev­enue trop à l’étroit dans un cadre stricte­ment tech­no. Disons-le, il est perdu pour la planète Terre et a rejoint l’Espace. « Tout a démar­ré en 2001 avec sa créa­tion d’une bande-son pour le film mythique de Fritz Lang, Metrop­o­lis. En 2005, c’est lui qui le pre­mier, au grand dam de cer­tains puristes, fait se ren­con­tr­er la musique clas­sique et tech­no avec son pro­jet Blue Poten­tial en com­pag­nie de l’Orchestre Phil­har­monique de Mont­pel­li­er dirigé par René Koer­ing à l’occasion d’un fameux con­cert sous le Pont du Gard. Et les dernières fois où l’on a croisé sa route, c’était pour ren­dre compte de sa créa­tion pour la bande orig­i­nale de la fic­tion de Jacque­line Caux Man From Tomor­row ou de son cin­e­mix avec le pianiste clas­sique Mikhaïl Rudy sur des images du film culte inachevé de Clouzot, L’enfer. Sans oubli­er son récent pro­jet live ent­hou­si­as­mant Spi­ral Deluxe, hom­mage à ses racines jazz-soul-funk. »

Orchestre national du Capitole – Jeff Mills © Patrice Nin

Alors que l’on a fêté il y a bien longtemps les 25 ans de son label Axis, on n’imaginait pas Jeff Mills se lancer dans une sim­ple tournée de DJ-sets pour hon­or­er l’évènement. Ce sera avec Plan­ets. Le bientôt “sexa“ con­cré­tise une his­toire qui a démar­ré il y a très longtemps, mais alors vrai­ment très longtemps, comme il nous le racon­te : “Dans mon enfance, j’ai été con­fron­té àThe Planetsde Gus­tav Holst, j’avais assisté à des con­certs qui le jouaient.” Cette œu­vre pour grand orchestre est com­posée de sept mou­ve­ments qui cor­re­spon­dent cha­cun à une planète du sys­tème solaire (d’où le nom). D’aucuns vont jusqu’à faire le lien avec les sept cordes de la lyre. Holst, musi­cien bri­tan­nique a écrit cette poésie sym­phonique entre 1914 et 1917 et elle a été jouée pour la pre­mière fois à Lon­dres en sep­tem­bre 1918. Cette pièce très com­plexe exprime des sen­ti­ments dif­férents selon les planètes, par exem­ple Mars, “celui qui apporte la guerre”, Vénus “celle qui apporte la paix” ou encore Jupiter “celui qui apporte la gai­eté”. Vu sa péri­ode de composition, The Plan­ets est évidem­ment une sorte d’allégorie de la Pre­mière Guerre mon­di­ale.

Qua­si­ment cent ans plus tard, alors que les temps sont égale­ment trou­blés, et c’est le moins qu’on puisse en dire, que le spa­tio­naute Thomas Pes­quet incar­ne peut-être les raisons de croire en un futur radieux, loin d’une terre épuisée par nos petites entre­pris­es, Jeff Mills apporte sa vision à l’œuvre puis­sante de Gus­tav Holst. S’il a décou­vertThe Plan­ets enfant, ce n’est que bien plus tard qu’il a eu l’idée de s’en empar­er : “En 2005, peu de temps après mon expéri­ence avec l’Orchestre Phil­har­monique de Mont­pel­li­er, j’ai com­mencé à imag­in­er à com­pos­er de la musique qui s’inspirerait de The Plan­ets. J’ai le sen­ti­ment que nos deux œu­vres parta­gent une cer­taine vision au sujet de la manière dont les humains sont spir­ituelle­ment et physique­ment liés avec ces autres mon­des. Nous essayons que cela nous soit utile en les obser­vant pour en savoir plus sur eux.”

Si Plan­ets fait la part belle à la musique clas­sique, on retrou­ve égale­ment cette sorte de fil rouge dans la désor­mais longue car­rière du fon­da­teur d’Axis : son goût pour l’espace et la science-fiction, les deux étant intime­ment liés chez lui : “Dans ma jeunesse, j’étais vrai­ment pas­sion­né de science-fiction, c’est comme cela que j’ai décou­vert une cer­taine forme de musique clas­sique en écoutant les ban­des orig­i­nales de films ou de séries comme Star Wars, Lost In Space ou Time Tun­nel. En me plongeant dans ces musiques, j’avais l’impression de m’échapper men­tale­ment vers un autre monde. C’est quelque chose que je recherche depuis tou­jours.”  Ne dit-il pas encore : « Les humains ont toujours regardé vers le haut dans l’espace à la recherche de réponses – l’analyse d’autres planètes comme un moyen d’apprendre notre propre passé, présent et futur. L’avenir de l’humanité peut dépendre non seulement de ce que nous trouvons, mais aussi de la façon dont nous utilisons ces informations pour tirer parti des occasions qui pourraient créer des tremplins vitaux dans  notre évolution. Chaque astre dans cet environnement cosmique attend notre arrivée. »

Plan­ets demande de l’auditeur un cer­tain “lâcher-prise” pour se laiss­er emporter dans ces ful­gu­rances juste­ment bal­ancées entre élec­tron­ique et clas­sique, sans que l’une cherche à pren­dre le dessus sur l’autre. Elle sem­ble bien loin l’incompréhension qui avait agité la scène tech­no lors des pre­mières con­fronta­tions de Jeff avec la musique clas­sique. Satisfaire les danseurs reste toujours le premier objectif de Jeff Mills, mais différemment d’avec ses premiers sets : “Aujourd’hui la plu­part des per­son­nes dans la musique élec­tron­ique se ren­dent compte de mon intérêt véri­ta­ble pour le mélange des gen­res. Ils com­pren­nent aus­si que je ne recherche pas juste quelque chose pour laiss­er tomber la musique de danse. Au début de ma car­rière, comme beau­coup d’artistes tech­no, c’était un rêve de tra­vailler avec un orchestre sym­phonique, mais nous ne pen­sions pas que cela était pos­si­ble. Ma vision a tou­jours été la même et je peux vrai­ment la matéri­alis­er main­tenant, parce qu’à la fois dans la scène élec­tron­ique et dans la scène clas­sique, les gens ont envie aus­si de vivre ces expériences.”

La con­créti­sa­tion du pro­jet arrive encore plus tard en 2014 après l’expérience Light From Anoth­er World, qu’il mène avec l’Orchestre sym­phonique de Por­to où il s’aperçoit que cette for­ma­tion pos­sède en elle toutes les qual­ités pour s’adapter à la musique élec­tron­ique. Car la prin­ci­pale dif­fi­culté dans cette ren­con­tre entre la musique de Mills et de Holst réside “dans l’équilibre acous­tique entre les deux gen­res. Ça exige beau­coup d’attention, mais ce fut pos­si­ble grâce à l’ingénieur du son et à toute l’équipe, qui ont tra­vail­lé à cette har­monie”. Le mix­age en Dol­by Sur­round 5.1 dans les pres­tigieux stu­dios lon­doniens d’Abbey Road ayant apporté la touche finale d’homogénéité à un disque évidem­ment ambitieux.

Entretien avec Jeff Mills sur le site de l’ONCT

Michel Grialou

Orchestre national du Capitole
jeudi 07 avril 2022
Site Internet Billetterie en Ligne

Articles récents