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Claire Roserot de Melin est Directrice générale de l’Etablissement public du Capitole, structure réunissant l’Opéra national du Capitole et l’Orchestre national du Capitole. C’est elle qui tient les cordons de la bourse de ces deux prestigieuses références culturelles. Alors que l’Etat s’apprête à réduire de manière aussi subite que drastique les subventions aux Collectivités locales, il paraît légitime de donner la parole à celle qui va avoir à résoudre une équation aux multiples inconnues.
Rencontre.
Classictoulouse : Pouvez-vous nous faire part des enseignements issus de la saison 23/24 de l’Opéra national du Capitole, tant en termes de fréquentation que d’équilibre financier ?
Claire Roserot de Melin : Nous avons fait une saison 23/24 magnifique, avec un taux de fréquentation de 90%, ce qui avoisine 200 000 spectateurs. Pour l’heure nous n’avons pas encore compilé les données liées à l’âge de nos spectateurs mais je ne pense pas qu’il soit très différent de celui de la saison 22/23, soit 23% du public qui a moins de 27 ans. C’est une grande fierté pour notre maison. Par la multiplicité des actions que nous menons, nous voyons bien que le public se diversifie. Financièrement la maison Capitole se porte bien car elle est remarquablement soutenue par la Métropole de Toulouse, ainsi que par l’Etat et de manière plus marginale par la Région. Les moyens qui nous sont donnés permettent de faire un excellent travail, connu et reconnu, et cela nous permet de porter le rayonnement de notre institution, et donc de Toulouse, du niveau local au niveau international le plus étendu.
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Comment se dessine le début de la saison 24/25 ?
Si je puis dire, nous avons démarré en fanfare avec des reprises de Nabucco dont le succès et la demande ont été tels que nous avons ajouté une date qui a été remplie en quelques jours ! Quant à la ferveur du public, c’est une récompense suprême. Comment ne pas évoquer l’engouement du public pour le concert Nougaro sur la place du Capitole, ou encore le concert-événement à la Basilique Saint Sernin, l’arrivée de Tarmo Peltokovski à la Halle aux grains. Sans oublier la création d’une soirée de ballet en coproduction avec deux grandes institutions internationales, le Liceu de Barcelone et l’Opéra-Comique. Et ce soir une création lyrique mondiale.
Les abonnements se portent très bien aussi avec près de 7000 souscriptions pour cette saison, c’est 15% de plus que l’année dernière à la même date. Nous gardons toujours quelques places pour le dernier moment mais cela devient de plus en plus dur ! Cela démontre le formidable attachement du public à notre maison. Ce qu’il y a de plus douloureux pour nous c’est que nous n’arrivons pas à servir tout le monde certaines soirées…
Quelle place le mécénat occupe-t-il dans l’équation budgétaire du Capitole de Toulouse ?
Il y a bien sûr et historiquement l’Association Aïda et, depuis peu, une personne en charge de recherche de mécénat de projet en particulier. Mathématiquement, le mécénat représente moins de 1% dans nos ressources. Ce chiffre peut paraître marginal par rapport à notre budget global, sauf qu’il peut représenter le financement total d’un projet. Cela nous permet d’avoir une activité diversifiée.
La dynamique du tissu économique d’Occitanie permet-elle d’imaginer une hausse du mécénat en matière culturelle ?
Nous sommes devant un vrai terrain de développement car l’Occitanie fait partie des régions les moins portées sur le mécénat. Alors que notre région abrite de très grandes sociétés. Aïda a entrepris ce travail de sensibilisation au mécénat des entreprises. Nous devons non seulement le poursuivre mais le développer. Tout en sachant, et je parle par expérience, que le mécénat ne se situe par sur un terrain concurrentiel. Plus une ville ou une région parle de mécénat et plus le processus s’inscrit dans une norme de pensée et donc d’action.
La dette de l’Etat va se répercuter sur les Collectivités locales…
Aujourd’hui il est impossible de répondre à cette question car la seule chose que nous sachions est que nous sommes dans le flou complet ! Pour l’heure nous en sommes toujours à un projet de loi de finances, suspendu à un vote, peut-être aussi à une censure du gouvernement. Or, nous concernant, nous sommes à 80% dépendant de financements publics. Nous savons que dans ce projet, le budget alloué au Ministère de la Culture serait préservé, mais celui des Collectivités est fortement touché. Même si la situation est tout à fait incertaine, nous y réfléchissons sérieusement car quoi qu’il en soit, il y aura une répercussion sur notre maison. Quelle en sera l’ampleur, si cela se passe ? Je ne sais pas y répondre aujourd’hui et la question est d’autant plus aiguë que notre maison programme à 3 ans ! L’intégralité du service public est devant une équation insoluble, d’autant que s’il y a une diminution significative de la subvention, elle s’appliquera immédiatement. Ceci dit, notre maison a trois siècles d’existence et, forcément, ce temps long dans lequel elle inscrit son action a connu des périodes difficiles. Elle s’en est toujours relevée. Nous allons avoir la lourde responsabilité d’affronter ce challenge sans toucher à l’essence même de cette maison qui est son pouvoir de création, la richesse et la qualité de son travail, son ouverture vers le plus large public. Cette institution, de par son ancienneté et son rayonnement, nous dépasse complétement. Les Elus et nous-mêmes sommes là simplement, si je puis dire, qu’en tant que « passeurs ». Notre mission est de la faire vivre et la transmettre aux générations futures encore plus belle qu’elle n’est !
Nous sommes à quelques heures de la création mondiale du Voyage d’Automne de Bruno Mantovani. Quel regard portez-vous sur cet ouvrage et sur l’engagement du Capitole dans cette création ?
Quand Christophe Ghristi a lancé ce projet nous n’avions pas conscience combien il rencontrerait une actualité aussi brûlante aujourd’hui. Plus il fait un écho assourdissant au présent et plus il est violent. Je dois vous dire aussi que le travail sur cet opéra marque tout le monde dans cette maison : solistes, musiciens, choristes, équipes techniques. Ce Voyage d’Automne interpelle sans limites. Le public de la générale avait l’air sidéré. C’est un grand moment pour notre maison car elle apporte ainsi sa pierre à l’édifice quatre fois centenaire du répertoire lyrique. Et puis, quelle émotion quand même d’avoir dans la salle le compositeur et le librettiste, comme si nous avions Mozart et Da Ponte… C’est un moment unique.
Propos recueillis par Robert Pénavayre
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