Le temps des forets présente comment, derrière le discours trompeur de l’énergie verte et des vertus de la biomasse, la gestion des forêts devient une industrie. En première partie sera projeté Toulouse Chauffe ! de TV Bruits, réalisé par Gwarr, à propos de la manifestation du 24 septembre 2022 contre l’implantation d’une chaufferie biomasse à Borderouge. Devant la mobilisation, Toulouse Métropole a reculé. Le projet est écarté… pour atterrir sur le quartier d’Atlanta où les riverains en colère disent à leur tour NON au futur incinérateur.
La forêt, c’est magique. On s’y enfonce avec un sentiment d’excitation, préparant l’aventure de s’engager hors des sentiers connus et la peur confuse de s’y perdre. Et une impression d’apaisement ouaté tellement les bruits, les odeurs, le pay- sage, ne se laissent pas découvrir à plus de dix pas. Sans même parler du contact, doux et rugueux, de l’écorce des arbres… Ça ne vous avait pas immédiatement sauté aux yeux – pas plus qu’aux oreilles ou aux narines. Là où, autrefois, la vie bruissait de mille insectes, mille essences végétales, dans une généreuse anarchie auto-régulée, on peut aujourd’hui se bala- der au milieu des arbres sans entendre le moindre chant d’oiseau, sans que l’odeur d’humus vienne nous chatouiller la narine – et traverser, à perte de vue, des aligne- ments de pins, bien espacés, bien ran- gés, bien propres, bien tous de la même espèce. C’est là, tout d’abord, que le film de François-Xavier Drouet nous emmène. Dans ces drôles de forêts qui n’en sont plus vraiment – plutôt des plantations. D’ailleurs on ne parle plus de gestion de la forêt, mais d’exploitation.
Vous l’avez compris : comme dans tous les domaines dans lesquels l’Homme fourre son nez, la sylviculture n’échappe pas aux sacro-saintes exigences d’ef- ficacité et de rentabilité. Comme dans tous les types d’exploitations agricoles, le modèle productiviste s’est imposé à la sylviculture. Monoculture, évidem- ment, et mécanisation radicale, violente, de la filière, qui transforme les acteurs en prestataires et coupe le lien qui re- liait les hommes aux arbres. Il faut au- jourd’hui, montre en main, moins de cinq minutes pour abattre, écorcer et débiter un Douglas. Évidemment, la machine ca- pable d’un tel prodige a un coût tel que son propriétaire est condamné, pour fi- nir de la payer, à abattre les arbres à la chaîne. Pendant ce temps, Patrick, bû- cheron, armé de sa tronçonneuse à 1500 euros, s’éclate autant qu’il transpire. Entre deux arbres abattus, il nous parle de sa liberté, de la satisfaction de ne rien devoir à sa banque, du plaisir de passer ses journées dans une forêt. Une forêt, avec ses broussailles, ses champignons, sa faune… Ne faisant guère le poids face au rouleau-compresseur, Patrick serait le représentant d’une espèce en voie d’extinction ?
