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La culture du casino est-elle présente dans le cinéma français contemporain ?

by Bruno del Puerto

Le casino, ce lieu où le hasard dicte ses lois et où les destins se nouent autour d’un tapis vert, a toujours fasciné les conteurs. Mais qu’en est-il du cinéma français d’aujourd’hui, celui qui se fabrique après 2010, au milieu des blockbusters américains et des drames intimistes ? La question mérite d’être posée, car derrière la roulette et les cartes se cache un miroir de notre société : argent facile, illusions de grandeur, chute brutale. Et même si le grand écran français ne met pas toujours en avant ces temples du jeu, leur empreinte symbolique est bien là. Un peu comme ces plateformes modernes qui entretiennent l’imaginaire collectif autour du hasard, à l’image de l’essor des jeux de machine a sous payante en ligne qui alimente, encore et toujours, cette fascination.

La fascination du cinéma français

Vous l’avez sûrement remarqué : dans les films français récents, le jeu n’est pas toujours frontal. Mais le hasard, le risque, la prise de décision qui peut tout changer en une seconde, ça, oui. La French (2014) de Cédric Jimenez, par exemple, évoque les années 1970 et la lutte contre la French Connection. Derrière la guerre contre la drogue, c’est aussi l’obsession du risque, l’appât du gain et la fatalité qui se dessinent – des thèmes qui résonnent avec l’esprit du casino. Le spectateur, un peu comme un joueur de plinko argent réel, suit les trajectoires des personnages en sachant que la chute peut arriver à tout moment.

Dans un registre plus intimiste, La Belle Époque (2019) de Nicolas Bedos ne parle pas de roulette ni de poker, mais la nostalgie qu’il met en scène fonctionne comme une mise sur l’avenir : revivre ses souvenirs, c’est accepter le pari de perdre pied dans le réel. Là encore, la logique du jeu imprègne l’ambiance.

Les espaces du casino

Depuis 2010, les salles obscures françaises n’ont pas multiplié les films se déroulant dans des casinos en tant que tels, mais lorsqu’elles apparaissent, elles ne sont jamais neutres. Dans Tout nous sépare (2017) de Thierry Klifa, avec Catherine Deneuve et Nekfeu, la scène du club privé et ses tables de jeu symbolise la frontière entre deux mondes sociaux : celui de la bourgeoisie et celui de la rue. Le décor agit comme une loupe sociale, et le tapis vert devient un territoire de confrontation.

Le casino sert souvent de décor symbolique, un peu comme les arènes modernes. Ce n’est pas un hasard si les réalisateurs l’utilisent pour mettre en lumière les rapports de pouvoir, la solitude des personnages ou encore leur dérive.

Personnages façonnés par le jeu

Ce qui frappe, ce sont les figures qui gravitent autour de ces univers. Le cinéma français contemporain ne reprend pas toujours le cliché du flambeur désabusé, mais il s’en inspire pour dessiner ses personnages. Dans Braqueurs (2016) de Julien Leclercq, le destin des protagonistes fonctionne comme une partie de cartes : on ne choisit pas toujours les règles, mais il faut jouer sa main jusqu’au bout.

Ces archétypes – le joueur prêt à tout, le croupier qui incarne la neutralité glaciale, ou le marginal attiré par la promesse d’un coup de chance – continuent d’habiter l’imaginaire collectif. Même sans filmer directement le casino, le cinéma français s’en nourrit pour créer des personnages en équilibre instable.

Langage visuel

Les metteurs en scène savent aussi puiser dans l’esthétique des casinos. Lumières artificielles, reflets dans les verres de champagne, décadence des salles de jeu… Ce langage visuel infuse certains films français. Le Fidèle de Michaël R. Roskam, coproduction franco-belge sortie en 2017, n’est pas un film 100 % français, mais il illustre parfaitement cette esthétique : les lumières des salles de jeux renvoient autant au glamour qu’à la perdition.

Ce style visuel, saturé de néons et de contrastes, s’impose dans de nombreux thrillers français récents. Les couleurs vives, presque trop présentes, rappellent l’univers du jeu et installent une tension qui ne faiblit jamais.

Les valeurs morales au centre de l’intrigue ?

Ce qui marque surtout le cinéma français, c’est son obsession pour les dilemmes moraux. Dans Tout nous sépare, l’argent facile et les compromis dictent le destin des personnages. Dans Mains armées (2012) de Pierre Jolivet, c’est le monde trouble du trafic et du blanchiment d’argent qui fait écho à l’imaginaire du jeu : jusqu’où peut-on aller pour survivre, pour s’enrichir, pour garder la tête hors de l’eau ?

Le casino devient alors une métaphore, celle de la dépendance et de l’avidité, mais aussi du prix inévitable à payer. Ici, les réalisateurs français troquent les jackpots tapageurs contre l’exploration des failles humaines.

Comparaisons internationales

À l’inverse, Hollywood a toujours aimé montrer le casino dans toute sa splendeur. On pense à Casino (1995) de Scorsese ou à Ocean’s Eleven (2001), où le décor est central, flamboyant, presque un personnage en soi. En Italie, Paolo Sorrentino, dans La Grande Bellezza (2013), a aussi joué avec ces images de luxe et de jeu.

Le cinéma français, lui, se distingue par son intimisme : moins de paillettes, plus de zones d’ombre, moins de spectacle, plus d’humanité.

Une résonance contemporaine

Pourquoi, alors, le casino reste-t-il un motif si persistant dans les films français ? Sans doute parce que chaque mise reflète un trait de notre époque : l’obsession de réussir, la peur de tout perdre, la tentation du raccourci. Le CNC rappelait d’ailleurs en 2022 que 38 % des Français avaient joué de l’argent au moins une fois dans l’année. Un chiffre qui fait écho à ce que les cinéastes mettent en scène : une société suspendue entre le goût du risque et la peur de la chute.

Même lorsqu’il n’apparaît pas frontalement, le casino hante l’écran. Il se devine dans le hasard des rencontres, dans les paris existentiels des personnages, dans ces choix impossibles qui rythment les récits. Le cinéma français contemporain a peut-être délaissé les roulettes et les machines à sous, mais le tapis vert, lui, continue de se dérouler en filigrane, comme une ombre persistante derrière chaque histoire.

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