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Fondation Bemberg • Hôtel d’Assézat

by Bruno del Puerto

Voilà vingt-cinq ans, janvier 1995, le prestigieux Hôtel  d’Assézat accueillait l’exceptionnelle collection de la Fondation Bemberg, du nom d’un grand amateur d’art qui avait choisi ce joyau proposé de l’architecture Renaissance, alors soigneusement rénové et aménagé pour la circonstance par la suite, pour déposer sa collection et la présenter au public.

Le futur mécène n’avait jamais auparavant foulé le sol toulousain !! Un quart de siècle est passé et, du gigantesque cabinet d’amateur éclairé, le besoin se faisait sentir de passer à un autre chose, plus confortable pour le public, et par conséquent, aussi pour tout ce qu’il vient admirer. C’est chose faite.

Fondatoon Bemberg
Ana Debenedetti dans l’Espace d’accueil

Ana Debenedetti est aux commandes de la Fondation depuis juillet 2022. Accueillie dans un chantier dont le rendu des clés se trouvait sans cesse reculé, la voilà “patronne“ de ce lieu de prestige à tous les points de vue.  Des briques, des sculptures, des pierres âgées de cinq siècles bientôt, constituant à mes yeux et en toute subjectivité, le plus bel édifice privé toulousain. À l’intérieur, un lieu dans lequel on circule entre merveilles et…merveilles. Attention, la Fondation n’occupe qu’une partie de l’Hôtel. Tout en sachant que toutes les richesses ne sont pas toutes exposées. On est impatient, évidemment, de voir la première expo temporaire ; impatient de découvrir les achats, évidemment ; et impatient de savoir que tout se passe…bien !

Hôtel d’Assézat - Façade Ouest
Hôtel d’Assézat – Façade Ouest

On ne va pas énumérer ici tout ce qui constitue la Collection en elle-même et en fait l’intérêt par sa diversité. On sait qu’elle a pu s’enrichir au cours des ans depuis l’arrivée des premières pièces puisque c’est le but aussi de son installation par la Fondation dans le plus bel hôtel particulier de Toulouse, à n’en pas douter. Georges Bemberg (1915-2011) avait du goût, beaucoup de goût ! C’était un esthète, polyglotte, épris d’études, de musique, devenant un excellent pianiste, écrivant romans et pièces de théâtre, et surtout, esprit collectionneur. La famille ne souffrant pas de soucis d’argent, il va au fil des ans  se constituer ce que l’on peut qualifier de gigantesque cabinet de curiosités, écumant salle des ventes, galeries, courtiers en œuvres d’art. Humaniste des temps modernes, son œil n’est pas que pour le XVI, XVII et XVIIIème siècles. Par exemple, il réunira plus de trente Pierre Bonnard.

D’autre part, n’ayant pas de descendance, depuis la fin des années 80, le célibataire sans héritier va se préoccuper du devenir de sa collection. Pour en préserver l’intégrité, quoi de mieux qu’une fondation. Il cherchait alors, où la poser. Grâce à sa parfaite connaissance des structures muséales américaines, il ne l’imaginait donc qu’en France. Foin de Paris, trop de musées déjà. En France nécessairement soit, mais dans un lieu qui soit un véritable écrin pour ses tableaux et autres beautés, que le public puisse en profiter et donc un circuit de visite qui permette une présentation dans les meilleures conditions de vision, de sécurité et de conservation. Un vrai cahier des charges. À croire que l’Hôtel attendait depuis 1562 le Sauveur du joyau toulousain. Merci au pastel qui avait permis d’établir alors des fortunes finançant des constructions d’édifices se faisant concurrence de par leur beauté, et ce avant que l’indigo ne supplante le pastel. L’histoire de cet écrin explique qu’il soit encore, presqu’un demi-millénaire plus tard, parfaitement conservé. On se plaît aussi de signaler que les familles donneuses d’ordre de la construction en 1555 étaient issues du nord-Aveyron. Mais là, sur le plan historique, il faudrait un livre.

Fondation Bemberg
Deux récentes acquisitions à voir en urgence !!

En effet, au cours des siècles, certains propriétaires ont été plus qu’une chance pour l’édifice. Par exemple, fin 1895, le banquier Theodore Ozenne le rachète, non pour l’habiter, mais pour le débarrasser de certains locataires et en fera don à la municipalité toulousaine. Celle-ci y logera des structures appelées Académies et autres vénérables sociétés savantes. C’est un véritable retour en arrière du temps où le lieu était un véritable laboratoire de la modernité artistique. On ne parle plus, architecture mais collection et mécénat.

Et ceci est dû à un certain Nicolas-Joseph Marcassus de Puymaurin (1718-1791), famille de marchands fabricants de draps, et remarquables gestionnaires de manufactures royales. Merci au papa Jean, “Marcassus bourgeois“ qui pourra alors, de par sa réussite, faire ériger en baronnie, les terres de Puymaurin. Puis, la descendance passe à autre chose, le petit-fils devient notable. Entre-temps, de locataire de l’Hôtel d’Assézat, la famille en sera propriétaire en 1761. Nicolas-Joseph a accumulé beaucoup de richesses mais, la surprise de sa succession vient de la composition de sa fortune.

Saint Sébastien - Mattia Preti
Saint Sébastien – Mattia Preti

Pour faire simple, il n’a pas investi dans la terre, comme son épouse, par exemple. Il n’a pas pris la route traditionnelle qui allait de la fortune industrielle ou commerciale à la possession de la terre et aux offices anoblissants. Sa stratégie de réussite, peu banale, est parfaitement lisible et cohérente : elle passe par la culture, et plus précisément la « culture de la curiosité » qui, dixit Krzysztof Pomian, « a gouverné par intérim entre le règne de la théologie et celui de la science. » En cela, Nicolas-Joseph agit comme l’élite anoblie de la bourgeoisie. Des historiens soulignent : «…face à l’aristocratie de naissance, la grande bourgeoisie s’est cherché une légitimité ; ne pouvant décemment la trouver dans l’argent qui lui avait permis d’acheter ses offices mais qui était comme on dit “sans honneur“, et trop marqué socialement, elle le demande à la culture, source de son savoir et de sa compétence. » Il investit dans les académies, agents diffuseurs des savoirs. Véritable académicien “scientifique“, il se fait remarquer par son éclectisme, et son intérêt pour l’art n’a rien d’un vernis superficiel. Il est musicien et ses enfants peignent. Il mécène l’architecte Jean Arnaud Raymond ainsi que deux peintres et dessinateurs Giuseppe Cadès et Jacques Gamelin. De là-haut, il doit lui plaire de voir des visiteurs fouler les pavés de la cour, les tomettes de la loggia pour aller admirer chaque pièce de la collection du dernier locataire, Georges Bemberg. Mais, on est sûr qu’il aurait fulminé à la vue de la rénovation du plafond de la loggia !!

Le Fauconnier - Veronese
Le Fauconnier – Veronese

Le XIXè ne fournira pas des occupants aussi passionnants. Heureusement, arrive Théodore Ozenne qui ayant racheté l’Hôtel bien peu entretenu alors le lègue dans la foulée à la municipalité qui, tout de suite, y loge les Académies. Elles embarrassaient alors passablement les locaux du Capitole. Merci Théodore.

Il m’intéressait de faire ce parallèle entre une famille ayant vécu en ce lieu et ce que représente maintenant l’Hôtel d’Assézat, assurément un des plus beaux musées de France, et par son écrin, et par son contenu. L’intérieur avait besoin de travaux, à l’évidence. Auparavant, c’était davantage une promenade dans un grand appartement que l’on visitait un peu comme on voulait. C’est toujours le cas mais avec un peu de rigueur de bon aloi. On s’y sent toujours aussi bien puisque l’intérêt de ce Musée, c’était bien un tout. Et, ne serait-ce que pour admirer une seule merveille nouvelle, on pouvait reprendre un ticket d’entrée ! Un espace d’accueil qui avait bien besoin d’une réfection ! C’est chose faite. On peut aussi souhaiter que la loggia retrouvera un espace restauration mais on en devine les contraintes et difficultés !!

Et l’on souhaite un parfait alignement de planètes à sa nouvelle responsable, Ana Debenedetti qui, peut-être, dans sa nouvelle antre des nymphes, pourra faire rentrer en ces murs, une œuvre typique du Quatrocentto florentin !

Michel Grialou

Fondation Bemberg


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