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Winter Break d’Alexander Payne

by Anthony del Puerto

Bien au-delà d’une fiction

Faisant l’économie de tout procédé fictionnel propre au cinéma, Alexander Payne nous plonge au cœur d’un trio que tout sépare et pourtant obligé de passer les vacances de Noël ensembles. Une pépite qu’il faut découvrir toutes affaires cessantes !

Winter Break
Angus (Dominic Sessa), Paul Hunham (Paul Giamatti) et Mary (Da’vine Joy Randolph) – Crédit : Focus Features LLC

Nous sommes dans les années 70 du siècle dernier. Un prestigieux établissement d’enseignement américain va fermer ses portes pour les vacances de Noël. Les plus fortunés, ils sont nombreux, vont rentrer dans leur cocon familial. Un seul va rester sur la touche, Angus. Sa mère et son beau-père n’ont pas de temps à lui consacrer. Du coup, il va se retrouver en tête à tête avec le prof désigné pour assurer la permanence : Paul Hunham. Et bien sûr, la cuisinière de l’établissement, Mary. Si cette dernière est encore sous le coup de la perte de son fils, militaire engagé au Viet Nam, un deuil insurmontable, Paul Hunham est quant à lui dans son biotope et ne veut pas en bouger.

Haï autant par ses collègues professeurs que par ses étudiants, cet inflexible gardien des traditions les plus rétrogrades vit seul dans ce collège comme un ermite depuis des temps immémoriaux. La cloche a sonné et les voici tous les trois dans leur solitude. Entre les deux hommes, révoltes et sanctions vont se succéder, parfois violemment. Mary, malgré le chagrin qui la tenaille, essaie de calmer ces deux êtres meurtris de fractures invisibles. Par petits pas, les inconciliables vont cependant finir par se croiser et se découvrir. Et c’est là le miraculeux travail du scénariste et du réalisateur de ce film d’une sensibilité à fleur de peau qui ne peut que vous émouvoir au plus profond de votre âme.

Il faut dire que le trio d’acteurs qui le porte est d’une sincérité de ton aveuglante. Ils ne jouent pas. Ils sont ! Tout l’intérêt de ce film est dans cette nuance terriblement révélatrice des vrais talents. Da’vine Joy Randolph incarne une Mary en véritable mater dolorosa, dont les seuls regards creusent l’immensité du chagrin. Le jeune Dominic Sessa (une fantastique découverte !) se glisse dans la peau d’Angus avec une violence, une rébellion mais aussi un désespoir qui provoquent une empathie immédiate. Un acteur sidérant de justesse doté en plus d’un véritable charisme. A suivre assurément ! Quant à Paul Giamatti, le voici enfin, avec Paul Hunham, face à un rôle digne de son incroyable talent, un talent fait de complexité de tons et de gestes, de regards insondables et d’ellipses assourdissantes.  Un très grand acteur, nous le savions déjà ! Et tout cela dans l’aura magique d’un conte de Noël. Intelligeant, inspirant, vraiment à voir absolument.

Robert Pénavayre


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