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« Freaks » de Tod Browning

by Léa Vergès

Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

En ce début des années 1930, le fantastique et l’horreur sont à la mode à Hollywood. Dracula croise le fer avec Frankenstein tandis que King-Kong ne va pas tarder à grimper sur l’Empire State Building. Avec Freaks, connu aussi sous le titre La Monstrueuse Parade, Tod Browing (réalisateur de Dracula) signe en 1932 un film absolument unique dans l’histoire du cinéma en mettant en scène d’authentiques « monstres » de foire.

Sœurs siamoises, homme-tronc, femme à barbe, hermaphrodite et autres individus dotés de malformations composent en effet une partie de la troupe du cirque Tetrallini. Hans, un magicien nain, fiancé à une écuyère, naine également, tombe sous le charme de la belle et grande trapéziste, Cléopâtre, maîtresse d’Hercule, le monsieur muscle de la compagnie. Apprenant qu’Hans est l’héritier d’une belle fortune, Cléopâtre décide de l’épouser. Humilié le soir même du mariage, Hans va être vengé par ses amis freaks

Humanité disparue

Le film de Tod Browing (qui travailla dans un cirque) demeure près d’un siècle après sa réalisation toujours aussi troublant en exposant une « anormalité » que la société préfère placer hors de notre regard. Le réalisateur, lui, en fait un objet de spectacle flirtant par moments avec le documentaire et non dénué de voyeurisme.

Evidemment, les véritables monstres ne sont pas ceux que l’on croit et que l’on voit de prime abord, mais le couple Cléopâtre / Hercule dont la beauté plastique dissimule la corruption de l’âme. Plus subtilement, Freaks ausculte l’essence même du racisme : le rejet de la différence, différence poussée ici dans sa radicalité.

Pour autant, le film ne transforme pas les créatures du cirque en pures victimes ou en innocents. Elles se révèlent à l’occasion cruelles, violentes, sans pitié, y compris entre elles… Comme n’importe quel être humain. C’est cette normalité, jusque dans le mal, qui confère à Freaks son caractère dérangeant tandis que sa galerie d’êtres difformes constitue aujourd’hui le témoignage d’une humanité à peu près disparue, effacée par l’eugénisme.

Christian Authier

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