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« L’Homme debout » de Florence Vignon

by Léa Vergès

Dramatiquement réel

Nous connaissons Florence Vignon scénariste de plusieurs films dont Mademoiselle Chambon, signé Stéphane Brizé, qui lui valut en 2010 le César de la Meilleure adaptation. Depuis longtemps, l’idée de passer derrière une caméra la taraudait. Voilà chose faite avec l’adaptation d’un roman que publia en 2012 Thierry Beinstingel intitulé Ils désertent.

Jacques Gamblin (Henri) et Zita Hanrot (Clémence) – Photo : Orange Studio

Ce premier long nous amène directement dans les affres du travail contemporain. Mais, surprise, à rebrousse-poil des inquiétudes actuelles autour de la retraite. En effet, Henri, VRP en papiers peints depuis de longues années, refuse de s’arrêter alors que ses annuités sont pleines. Il en a le droit et il le sait. Son travail, dans lequel il s’accomplit, remplit sa vie de divorcé solitaire.  De plus, ses chiffres sont excellents. Dans son entreprise, le jeunisme règne au-delà de toute autre considération. Une question d’image (?). Clémence, une nouvelle diplômée, devient ainsi assistante de direction et comprend vite que si elle veut garder sa place, elle doit convaincre l’employé modèle mais récalcitrant à prendre la porte.  Un peu à contrecœur malgré tout, Clémence s’aventure dans des discussions avec Henri qui, bien sûr, échouent. Des deux côtés la pression devient de plus en plus violente.

Ce film nous parle du monde impitoyable de l’entreprise, de sa déshumanisation pour ne pas dire de sa décérébration. Mais ce n’est pas tout, il est question ici du libre-arbitre, du sens que l’on veut donner à son existence (et la récente pandémie a été un véritable moteur à cette réflexion salutaire) et de cette question fondamentale : est-il trop tard pour changer de cap ? Ce premier long montre aussi les derniers feux d’une manière artisanale, au sens plus que noble du terme, de travailler. Henri (émouvant Jacques Gamblin) garde précieusement une approche humaine avec ses clients. Clémence (Zita Hanrot) sent petit à petit, au contact d’Henri, qu’une voie existe en dehors du formatage des écoles de commerce. Va-t-elle franchir le pas ? Un film sans prétention exorbitante mais qui creuse certains sillons peu reluisants de notre temps, sans chichi aucun et avec une grande justesse de ton.

Robert Pénavayre

Cinéma

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