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« Un tramway nommé Désir » d’Elia Kazan

by Léa Vergès

Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

Et Elia Kazan créa Marlon Brando… D’abord au théâtre où il le dirige à Broadway dans la pièce de Tennessee Williams dès son année de parution en 1948 puis, trois ans plus tard, avec la version cinématographique qui fait instantanément de l’acteur une star iconique pour son second long-métrage. Devant la caméra de Kazan, Brando retrouve deux comédiens déjà présents dans l’adaptation théâtrale (Kim Hunter et Karl Malden) tandis que Vivien Leigh tient le rôle de Blanche DuBois, bourgeoise déclassée ayant quitté son Sud natal afin de séjourner chez sa sœur dans le quartier français de La Nouvelle Orléans.

Si l’interprète de Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent est alors la seule vedette au générique et signe une composition d’anthologie, c’est bel et bien Brando qui va crever l’écran, qu’il apparaisse dans son tee-shirt trempé de sueur, torse nu et biceps saillants ou dans un costume cigarette aux lèvres. Voici donc Stanley Kowalski, ouvrier d’origine polonaise, aux manières frustres ou carrément brutales, souvent vulgaire, mais dégageant une attraction et une sensualité à laquelle son épouse Stella et sa belle-sœur Blanche ne peuvent résister.

Tension sexuelle

Entre cette dernière, surjouant la femme du monde, maniérée, capricieuse, et le mâle dominant fier de ses origines prolétaires, impulsif, manipulateur, méprisant ; un phénomène d’attraction / répulsion se met en place instantanément et ne cesse d’aller crescendo tandis que l’on découvre les lourds secrets de Blanche emportée peu à peu par ses névroses.  La censure édulcora au cinéma bien des aspects de la pièce de Tennessee Williams (nymphomanie, détournement de mineur, homosexualité, viol), mais ceux-ci transparaissent néanmoins clairement et une tension sexuelle imprègne presque chaque scène dans la moiteur et la promiscuité d’un petit appartement sordide.

Bien qu’Elia Kazan utilise par moments des décors extérieurs et toutes les nuances d’une superbe photographie en noir et blanc, Un tramway nommé Désir n’échappe pas toujours aux limites du « théâtre filmé ». L’Actors Studio – école de formation à l’art dramatique cofondée par Kazan en 1951 – acquiert avec les performances des comédiens dans le film un retentissement mondial. Vivien Leigh, Kim Hunter et Karl Malden récoltent d’ailleurs chacun un Oscar. Marlon Brando, quant à lui, devra attendre Sur les quais, réalisé en 1954 par le même Kazan, pour décrocher sa première statuette. D’autres rôles inoubliables suivront, mais l’irruption de Stanley Kowalski demeure une date dans l’histoire du cinéma.

Christian Authier


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