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« La Fureur de vivre » de Nicholas Ray

by Bruno del Puerto

Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

La Fureur de vivre de Nicholas Ray

Si A l’est d’Eden d’Elia Kazan fit de James Dean une star, La Fureur de vivre éleva l’acteur au rang de mythe – sa mort dans un accident de voiture en septembre 1955, moins d’un mois avant la sortie du film, le pétrifiant dans son éternelle jeunesse. La jeunesse justement est le sujet du film de Nicholas Ray qui met en scène des lycéens de la classe moyenne en quête de repères, de modèles, de compréhension. Ces jeunes boivent trop, fuguent, manient le couteau, se lancent des défis stupides comme celui de piloter des voitures à toute allure jusqu’au bord d’une falaise… Jim Stark (James Dean), âgé de dix-sept ans, est l’archétype du « rebelle sans cause » (titre original du film) qui doit quitter l’adolescence pour devenir un adulte.

Dans un Los Angeles désincarné dont les décors (un poste de police, un planétarium, une maison abandonnée avec une piscine vide) renforcent l’abstraction, Jim, son amie Judy (Natalie Wood) et un gamin de quinze ans surnommé Platon vont faire l’apprentissage de la mort. Au-delà de la présence de James Dean, de son jeu exacerbé venu de l’Actors Studio et de sa tenue (tee-shirt blanc, blouson rouge) devenue iconique, La Fureur de vivre vaut d’abord pour sa dimension sociologique et culturelle.

Génération lyrique

Des années avant l’irruption de la contre-culture aux Etats-Unis et en Occident, le film anticipe le conflit entre les générations, l’élan contestataire, la soif de liberté et surtout l’accession d’une classe d’âge – la jeunesse et l’adolescence – qui va modeler les nouvelles valeurs de la société. Pour le reste, La Fureur de vivre est loin de compter parmi les chefs-d’œuvre de Nicholas Ray dont on peut préférer Les Amants de la nuit ou Johnny Guitare. La musique grandiloquente renforce le pathos du mélodrame et de la romance amoureuse. Les acteurs (à l’exception de Sal Mineo) sont ou paraissent trop âgés pour interpréter les comédiens. Un happy end chasse la tragédie de manière artificielle.

Mais voilà, la disparition de James Dean à l’âge de vingt-quatre ans au volant de sa Porsche Spider a transformé le film en œuvre culte et son acteur en symbole d’une révolte romantique, celle d’une « génération lyrique » (selon le titre de l’essai du canadien François Ricard) qui bientôt prendrait le pouvoir.

Christian Authier

Cinéma

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