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« La Horde sauvage » de Sam Peckinpah

by Bruno del Puerto

Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

La Horde sauvage de Sam Peckinpah

Sam Peckinpah : ces quatre syllabes sonnaient déjà comme des balles. Cela tombait bien car le cinéaste ne lésinait pas sur les coups de feu et pas seulement dans la Sierra. Il disait avoir du sang indien dans les veines. Ce n’est cependant pas pour cela qu’on le surnomma « Bloody Sam ». Il tourna son dernier film (Osterman week-end en 1983) au bord de l’épuisement à l’aide d’une bouteille d’oxygène, payant ainsi une vie d’excès (alcool, cocaïne). Peckinpah a fait entrer le ralenti et le jet d’hémoglobine dans la grammaire cinématographique. Sans lui, pas de Quentin Tarantino. Il a aussi influencé Martin Scorsese, Michael Mann, John Carpenter, John Woo, d’autres encore. À travers ses images, on entend un ricanement : celui d’un grand désespéré persuadé que la violence et la sauvagerie sont les choses les mieux partagées. L’histoire de l’humanité ne semble pas lui donner tort.

La Horde sauvage, sorti en 1969, tandis que l’Amérique s’enlise au Viêt-Nam, est du Peckinpah chimiquement pur avec ce romantisme des causes perdues, le culte du dernier carré et cette ultra violence à laquelle on réduisit trop souvent son esthétique comme son éthique. Les distraits et les sots le prirent pour un « fasciste » alors qu’il n’était qu’un anarchiste terriblement anachronique. De même, les anti-héros de ce western funèbre et crépusculaire – qui se déroule pourtant sous le soleil de plomb du Mexique en 1913 – ne sont plus de leur époque. Ils vont être avalés par une modernité qui avance avec ses voitures et ses mitrailleuses.

Tragédie antique

Comme le western spaghetti au même moment, La Horde sauvage dynamite les codes d’un genre et à travers lui une mythologie américaine. Les personnages de ce bain de sang baroque sont des bandits, des chasseurs de primes, des soldats sans foi ni loi, des prostituées. Chez Peckinpah, personne n’est innocent, pas même les enfants, comme le montre la saisissante scène d’ouverture. Le Mal est partout, la cruauté, la trahison et la vengeance aussi. Dieu est un sadique. La fidélité et l’amitié ne sont plus que des remords.

Ne reste alors comme rédemption qu’un baroud d’honneur où la liberté et le salut se reconquièrent au prix du sacrifice ultime. On n’oublie pas les acteurs réunis par Peckinpah : William Holden, Ernest Borgnine, Robert Ryan, Warren Oates, Ben Johnson, Edmond O’Brien… Cette « horde » contribue à donner au film un air de tragédie antique.

Christian Authier

Cinéma

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