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« Laura » d’Otto Preminger

by Bruno del Puerto

Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

Laura d’Otto Preminger

« Je n’oublierai jamais le week-end où Laura est morte » : la phrase d’ouverture du film d’Otto Preminger, sorti en 1944, est entrée dans la légende du film noir et du cinéma. C’est Waldo Lydecker qui la prononce en voix-off tandis que l’on découvre Laura Hunt via un tableau reflétant son incandescente beauté. Lydecker, journaliste et chroniqueur quinquagénaire, s’était mis à écrire la vie de la jeune femme quand elle a été assassinée d’un coup de fusil la défigurant. Cynique, doté d’un humour ravageur, élégant, maniéré, il fut le Pygmalion de la publicitaire de talent à laquelle il vouait un amour platonique. La victime s’apprêtait à épouser Shelby Carpenter, un séducteur en quête d’argent, sur lequel la propre tante de Laura avait des vues. Ce brelan de suspects va susciter l’attention de l’inspecteur de police Mark McPherson.

Laura est l’histoire d’un homme qui tombe « amoureux d’un cadavre » selon la cruelle expression de Lydecker. Fasciné par le tableau représentant Laura, McPherson lit sa correspondance et son journal intime, fouille dans ses vêtements, passe de plus en plus de temps dans son appartement jusqu’à ce que Laura revienne d’entre les morts… L’assassin ayant confondu une maîtresse de Shelby Carpenter avec Laura Hunt. L’obsession et les penchants fétichistes du policier laissent place alors à la jalousie et à la rivalité avec les autres prétendants de la jeune femme.

Eternelle Laura

Le film de Preminger incarne un certain art hollywoodien mêlant classicisme et originalité – ici dans la narration, la dimension quasi onirique ou la passion fantasmatique du héros. De la photographie en noir et blanc de Joseph LaShelle au thème musical de David Raksin qui deviendra un standard en passant par les dialogues au cordeau, tout tend à la perfection. Côté interprétation : Clifton Webb (première apparition au cinéma pour cet acteur de théâtre réputé) éclipse le falot Dana Andrews, Vincent Price tient un second rôle savoureux, mais c’est bien sûr Gene Tierney qui rend cette œuvre immortelle.

Si l’actrice d’une beauté irréelle avait déjà tourné devant la caméra de Fritz Lang, John Ford, von Sternberg ou Lubitsch (Le Ciel peut attendre), Preminger lui offre son rôle culte qui n’est pas celui de la traditionnelle femme fatale ou d’une banale victime. Laura Hunt est une femme libre, indépendante, en avance sur son époque, refusant la carte de la séduction tout en aimant la compagnie des hommes. On reverra Gene Tierney dans Péché mortel de John M. Stahl, Mankiewicz la dirigera dans Le Château du Dragon et le superbe L’Aventure de madame Muir, Preminger la retrouvera avec Le Mystérieux docteur Korvo, Mark Dixon, détective et Tempête à Washington. Cependant, elle restera à jamais Laura.

Christian Authier

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