Accueil » « Les Demoiselles de Rochefort » de Jacques Demy

« Les Demoiselles de Rochefort » de Jacques Demy

by Ines Desnot

Chaque semaine, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

Il n’y a pas qu’à Hollywood et à Bollywood que l’on fait des comédies musicales. La preuve avec Jacques Demy qui en 1967, quatre ans après Les Parapluies de Cherbourg, réalisait Les Demoiselles de Rochefort. Dans la petite ville de Charente-Maritime débarque une troupe de forains à laquelle les sœurs Garnier, Delphine et Solange, qui donnent des cours de musique et de danse, vont prêter main forte. De ce mince point de départ, Demy tisse un chassé-croisé amoureux magnifié par la mise en scène, la musique et la grâce des comédiens.

demoiselles de rochefort

Evidemment, les compositions du génial Michel Legrand (dont la Chanson des jumelles) sont au cœur de la réussite du film, mais le style Demy s’incarne aussi dans la composition géométrique des plans, le jeu avec les couleurs, les dialogues en vers (pas seulement dans les chansons) et les mouvements de caméra avec certains à la grue qui n’ont rien à envier aux plus grandes prouesses d’Hitchcock. Le cocktail ne sera pas parfait non plus sans les interprètes. Catherine Deneuve et Françoise Dorléac (qui décèdera peu après la sortie du film dans un accident de voiture) sont éblouissantes jusque dans leurs numéros de danse. Danielle Darrieux et Michel Piccoli ne font pas de la figuration, la participation de Gene Kelly fait oublier Georges Chakiris et Grover Dale (excellents danseurs mais acteurs falots).

Magie du cinéma

Les Demoiselles de Rochefort atteint un équilibre parfait entre fantaisie et rigueur, exubérance et maîtrise absolue, artifice et sincérité. Si le film a acquis au film du temps un charme rétro, c’est d’abord sa beauté intemporelle qui en a fait un classique. Les couleurs flamboyantes, le rythme des chorégraphies, la furia jazzy de certaines mélodies distillent une énergie, un élan vital rares. Pourtant, derrière tout ce brio et cette ambiance euphorisante apparaissent subrepticement des fêlures, des drames enfouis, une sourde mélancolie. Même le drame s’invite, à travers l’évocation d’un crime passionnel commis par un attachant personnage secondaire de papy bienveillant, mais Demy ne s’appesantit pas.

Devant sa caméra, l’élégance, la légèreté, la joie, l’humour corrigent les facéties du destin et les déceptions de la vie. On rattrape les occasions perdues. Les retrouvailles et les amours impossibles deviennent réalité. Magie du cinéma.

Christian Authier

Cinéma

Articles récents