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« Les Amandiers » de Valeria Bruni Tedeschi

by Ines Desnot

C’était l’un des films les plus attendus de cette fin d’année. Et en plus l’un de ses interprètes était césarisable. Et puis, crac, la machine médiatique s’emballe autour du jeune Sofiane Bennacer. Il faut dire qu’il est mis en examen pour viols et violences sur différentes de ses relations féminines.  Panique chez le distributeur et chez le producteur. Personne n’était au courant de rien.

Valeria Bruni Tedeschi
Louis Garrel (Patrice Chéreau) et Nadia Tereszkiewicz (Stella) © Coadic Guirec / Bestimage

Valeria Bruni Tedeschi, dont c’est le compagnon, n’envisage pas de faire le film sans lui. Action !  Mais voilà, l’omerta même au cinéma a ses limites.  Présomption d’innocence aidant, voyons un peu à quoi ressemble tout de même ce film. Et quel film ! Rien moins qu’une plongée dans l’Ecole des Amandiers de Nanterre, époque Patrice Chéreau. Autrement dit, une légende. C’est à cet Himalaya que s’attaque la réalisatrice franco-italienne.

Dans cette école, dont elle fut l’élève (elle est de la promotion 86/87), elle a connu nombres d’acteurs aujourd’hui célèbres et surtout Patrice Chéreau et Pierre Romans.  Elle décide de faire de cette expérience un docufiction dans lequel elle tente de nous montrer la méthode des Amandiers. En effet, loi du didactisme de nos conservatoires, les Amandiers prônaient une énergie incroyable qui voyaient se percuter acteurs, élèves, auteurs, metteurs en scène, public. Nous sommes dans les années 82 à 91.  Le film ne fait aucune économie sur la circulation effrénée de la drogue et de ses mortelles conséquences. Des relations amoureuses ou pour le moins charnelles se nouent dans des configurations vertigineuses alors.

Dans l’enseignement, un être se trouve au centre de toutes les attentions, c’est l’acteur. Foin ici de méga-productions, la vérité réside dans le jeu et la liberté. Justement, Patrice Chéreau monte Platonov de Tchekhov. Nous allons suivre, de loin certes, le montage de cette pièce.  C’est Louis Garrel qui incarne le metteur en scène de la Tétralogie du centenaire à Bayreuth. Encore une fois, son incarnation est magistrale. Sofiane Bennacer, ébouriffant de violence…, se met dans la peau de Thierry Ravel (qui fut le compagnon à l’époque de la réalisatrice). Il mourut d’une overdose à 28 ans.

Stella, qui est quelque part comme un écho de Valeria Bruni Tedeschi, est interprétée avec une acuité à fleur de peau saisissante par Nadia Tereszkiewicz. Tous les autres membres de cette promotion sont les reflets d’un temps qui s’autorisait tout, y compris de faire des chefs-d’œuvre.

Sofiane Bennacer – Un feu de paille ?

Ce Marseillais pur jus fait ses débuts au théâtre en 2018. Il a 21 ans.  Puis c’est au tour de la télévision de lui faire les yeux doux. En toute logique, le grand écran va s’emparer de ce jeune talent.  C’est Valeria Bruni Tedeschi qui lui donne sa chance en lui proposant un premier grand rôle dans le film sous rubrique. Derechef, Sofiane Bennacer se retrouve sur la liste des césarisables dans la catégorie Meilleur jeune espoir pour 2023. Ce sera de courte durée, car l’Académie vient de l’en retirer suite à sa mise en examen pour viols et violences sur plusieurs de ses compagnes. L’acteur clame son innocence, soutenu par sa compagne Valérie Bruni Tedeschi et la sœur de cette dernière, Carla Bruni Sarkozy… La présomption d’innocence demeure toutefois.

Robert Pénavayre

Cinéma

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