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« Le mage du Kremlin » de Giuliano di Empoli

by Ines Desnot

Paru chez Gallimard, grand prix de l’Académie Française, le livre arrivé premier exaequo au Goncourt mais battu au 14ème tour de scrutin par la voix double du président du jury.

L’auteur est un universitaire italien, proche de Mateo Renzi dont il fut un adjoint à la mairie de Florence et son conseiller à la présidence du Conseil, auteur, chercheur, dirigeant d’un think-tank, très francophile puisqu’il enseigne aussi à Sciences Po Paris.

mage du Kremlin Giuliano di Empoli
Giuliano di Empoli © Francesca Mantovani / Editions Gallimard

Son livre est un magnifique exercice de fiction – c’est un roman !- remarquablement assis sur une étude très approfondie sur le parcours de Poutine, sa personnalité, ses méthodes, ses décisions mais aussi des sondages et études d’opinion sur la société russe. Le parti pris littéraire est assez simple puisqu’un chercheur européen ( l’auteur ? Peu importe…) recueille les confidences d’un ancien conseiller de Poutine, Baranov, qui fut avant l’accession au pouvoir de celui-ci, un homme de télévision, producteur de spectacle, avant de devenir son conseiller en communication puis son conseiller politique et confident, avant de prendre ses distances…et de se confier à l’auteur, sans amertume mais avec une grande lucidité. Baranov est le seul personnage fictif encore qu’il soit inspiré d’un autre conseiller de Poutine. Tous les autres noms sont vrais.

Baranov, donc, se livre et c’est passionnant, surtout, évidemment, en cette période où Poutine est au cœur de l’actualité mondiale et des inquiétudes généralisées face à sa guerre ukrainienne. Ce qui est remarquable dans ce livre, c’est qu’il met en valeur des traits du peuple russe que Poutine exploite, parfois cyniquement,  pour asseoir son pouvoir: la détestation de la faiblesse et son corollaire le besoin d’autorité, la soif de grandeur et sa conséquence impérialiste, en Géorgie, en Crimée, en Ukraine, la construction – parfois artificielle- d’une identité nationale « contre » l’Occident.

Alors, bien sûr, on aimerait en savoir plus sur la frontière entre la fiction et la réalité dans  cette accumulation  d’informations d’une grande richesse mais, au fond, on est vite emporté par la conviction que la réalité n’est pas seulement loin de la fiction, elle la dépasse….

Ce livre est remarquable et passionnant, il aide à comprendre le monde tel qu’il est.

Jean Glavany

Littérature

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