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« Le serment sur la moustache » de Samuel Piquet

by Ines Desnot

Samuel Piquet écrit pour Le Gorafi. Il a conservé l’esprit du site d’informations parodiques dans son premier roman, bref et hilarant, Le serment sur la moustache ; il y pousse si bien la réalité vers l’absurdité et la monstruosité qu’il lui donne paradoxalement de la vraisemblance.

Samuel Piquet

LE MINORITARIAT

Son héros, Guillaume, vit dans une France totalement soumise au progressisme écologiste, féministe, animaliste, que l’auteur appelle le « minoritariat », cette tyrannie des « minorités dominées ». Le monde décrit est un cauchemar animé par des Ubu dégenrés et racisés, où l’on a peur de dire que l’on mange de la viande, de stigmatiser les « apprenants », surtout si ce sont des cancres et de petites frappes, ou de consoler une femme malheureuse quand on est un homme, c’est-à-dire un « ennemi héréditaire » uniquement capable de « conseils condescendants ».

Dans ce monde où la propagande est omniprésente, où l’on remplit des formulaires pour avoir le droit d’aimer, où l’on réécrit des poèmes de Baudelaire pour une meilleure « incluvisité », Guillaume est lui-même le prototype de « l’homme déconstruit ». Professeur chahuté, mari trompé (« la position dans laquelle il trouva sa femme lui assura qu’elle mettait en pratique aussi bien le sens du partage qu’elle avait toujours prôné que ses cours de yoga ayurvédique »), il est autant victime de ce mauvais rêve que coupable de ne pas s’y opposer.

LES CHAKRAS SYNERGIQUES

Cette fable est aussi un roman sur le langage, et l’indiscutable talent de l’auteur repose sur une parfaite maîtrise des mots et des expressions ridicules créés pour « désoffenser » les uns et condamner les autres ; il y pastiche notamment à merveille les discours « sociétaux » et politiques. C’est souvent, plus que les personnages, ce qui provoque le rire. Ainsi, Guillaume suit des « cours de détox émotionnelle pour une meilleure harmonie des chakras synergiques et un recentrage inspirant ».

L’exercice est donc très drôle, et le roman remplit sa mission, de ce point de vue, en montrant un monde absurde, présenté comme le nôtre, déjà. Bien entendu, le récit a ses limites, qui sont celles de la caricature. Aussi attend-on avec impatience, de cet auteur, un roman qui ne reposera pas entièrement sur la parodie, même si, souvent, celle-ci dévoile avec un humour grinçant le monde nouveau vers lequel on semble courir.

Raphaëlle Dos Santos

Littérature


Le Serment sur la moustache  •  Éditions de l’Observatoire

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