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« Nages libres » de Lucas Menget

by Bruno del Puerto

Sorti opportunément au mois de juin, avant des vacances estivales propices à l’exercice de la natation, Nages libres de Lucas Menget aurait pu tout aussi bien arriver dans les librairies parmi la rentrée littéraire tant cet éloge de la nage vaut mieux que nombre de romans promus par le ronron médiatique. L’auteur, journaliste et ancien reporter de guerre, mêle autobiographie, souvenirs, portraits au gré d’une vingtaine de textes à l’allure de nouvelles.

Lucas Menget Nages libres

Il convoque l’Histoire et des nageurs célèbres, nous entraîne de mer en océan sans négliger les piscines. La Méditerranée lui autorise un détour par l’Antiquité. On passe d’un bain dans un affluent de l’Amazone à un autre dans la mer Egée. Même les vertus de la natation synchronisée ne sont pas oubliées. Sous la plume de Lucas Menget, nager relève à la fois du rite, du plaisir physique, de la méditation, d’un art de s’ouvrir au monde.

La vie aquatique 

On aura compris que les digressions et les variations de température font le charme et la beauté de Nages libres. Nous voici ainsi à Bagdad, au plus fort de la guerre civile, où la piscine d’un petit hôtel offre à celui qui était alors reporter d’étranges intermèdes. Des deuils croisent « l’érotisme de la mer » imprégnant les photographies de Jacques Henri Lartigue.

Evidemment, la littérature a sa place dans ce vagabondage aquatique dont l’érudition n’est jamais pesante. Lucas Menget se souvient de la nouvelle de John Cheever, The Swimmer, qui sera portée à l’écran par Frank Perry avec Burt Lancaster. On retrouve aussi Jean Raspail immortalisant les derniers Alakalufs de Patagonie, Alexandre Dumas, Paul Morand ou le merveilleux – et trop méconnu – Patrick Leigh Fermor. Nages libres se termine naturellement avec l’évocation du dernier bain de l’été et de la douce mélancolie d’une saison qui s’achève, sentiment délicat de la « nostalgie heureuse de l’instant », que les Brésiliens nomment « saudade ». Ce qui donne à ce livre sa saveur tendrement salée.

Christian Authier

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