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« Ce monde est tellement beau » de Sébastien Lapaque

by Bruno del Puerto

Cinquième roman de Sébastien Lapaque, par ailleurs auteur de nombreux essais et récits dédiés à ses multiples passions, Ce monde est tellement beau (prix Jean Freustié 2021) est l’histoire d’une reconquête et d’une renaissance. Son héros, le bien nommé Lazare, est un professeur quadragénaire dans le Paris des années 2010. Le couple, sans enfants, qu’il forme avec Béatrice bat de l’aile. Partout s’étale « l’Immonde » ou ce que son ami Walter nomme « le démonique », ce trou noir qui a défait les liens anciens « pour ne laisser subsister que des ombres d’hommes, des choses errantes, supposées être liées par leurs intérêts bien compris. » Comment ne pas désespérer jusqu’au bout devant ces ténèbres qui ont « rendu incompréhensibles l’expérience religieuse, le sacrifice héroïque, la fidélité à la promesse » ? Comment sortir des cercles de l’enfer édifiés par les images falsifiées, la marchandise, « l’inculture, la bêtise et la rigolade » ? Comment résister aux flux de niaiserie et d’horreur charriés par les machines et les écrans ?

Sébastien Lapaque
Sébastien Lapaque © T. Michon / Actes Sud

Retrouvailles avec des sentiments oubliés

On laissera aux lecteurs le plaisir de découvrir les stations ponctuant le chemin de Lazare vers ses « retrouvailles avec des sentiments oubliés ». L’émerveillement, l’esprit d’enfance, l’invisible, « la voix du cœur », le ciel, les étoiles, les moineaux, l’amitié, l’amour, les savoirs ancestraux, les paysages absolus, les gestes simples de la fraternité auront leur part dans cette histoire dont on aime les personnages.

Sorte d’anarchiste chrétien, Lapaque chante la beauté du monde et en offre la révélation à Lazare : « J’ai découvert sa beauté dans l’enfance, dans la vieillesse, dans la musique, dans l’humilité, dans le secret, dans la présence et dans l’attente. J’ai compris que ce monde était beau dans la douleur et dans le deuil, beau dans le passage du temps et dans les adieux sans espoir de retour. » On songe par moments au cinéma de Terrence Malick à la lecture de ce roman lumineux et gracieux comme une pièce de Bach ou une prière dans une langue oubliée.

Christian Authier

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