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Le Monde d’hier, un film de Diastème

by Bruno del Puerto

Chaud devant !

Alors que le premier tour de l’élection présidentielle est tout proche, le candidat présumé vainqueur va être foudroyé par un scandale venu directement de Russie, laissant ainsi le passage au candidat d’extrême droite.  Que faire ? Diastème essaye dans « Le Monde d’hier » de résoudre cette problématique.

Le Monde d’hier, de Diastème
© Pyramide Films

Il faut reconnaître qu’il est difficile d’être plus d’actualité en terme de sortie ! Tourné entre le Château de Rambouillet et la Mairie de Rennes afin de ne pas confondre avec le Palais élyséen (mais cela trompe qui veut bien), le dernier opus de Diastème, alias Patrick Asté, est un véritable brûlot politique.  Dans une République imaginaire, Isabelle de Raincy, la Présidente, ne souhaite pas se représenter et a poussé son dauphin Luc (Jacques Weber) à prendre la succession, une succession plus qu’assurée.  Mais voilà qu’à trois jours du scrutin, Franck (Denis Podalydès), le Secrétaire Général du Palais, lui annonce qu’un coup de fil de Russie, via leur ambassadeur, les informe qu’un énorme scandale de corruption, avec vidéo à l’appui, va frapper le candidat de la Présidente. Entre Franck et Didier, le Premier Ministre (Benjamin Biolay toujours aussi inexistant à l’écran…), les solutions divergent. Et l’on ne sait pas trop pourquoi. En fait, Isabelle se retrouve seule, prise entre deux feux et un grave problème de confiance.  Qui manipule qui ? Le scénario, écrit à plusieurs mains, dont celles du réalisateur mais également de Gérard Darvet et Fabrice Lhomme (tous deux auteurs d’un livre remarquable sur François Hollande) sans oublier Christophe Honoré pour la patte finale, ne peut qu’interroger quant aux principes de la démocratie.  Bien sûr il s’agit d’une fiction…

Le Monde d’hier, de Diastème
© Pyramide Films

Les coulisses du pouvoir suprême donnent ici la nausée, si ce n’est pire ! Mais ce véritable thriller politique de Diastème est aussi un magnifique exercice de style sur l’exercice du pouvoir et finalement l’isolement dans lequel se trouve abîmé celui qui le détient. Léa Drucker en Présidente crépusculaire est remarquable de sincérité, même si elle ne doit sa survie, à tous les sens du terme, qu’aux bons soins de son garde du corps, Patrick. Et en fait c’est lui qui est le plus fascinant dans l’histoire. Ombre de la Présidente, âme damnée également, on le sent bien prêt à tout pour elle. Pas de mots entre eux, un regard, un geste qu’eux seuls savent traduire suffisent. Et l’on comprend bien qu’hors champ, le sentiment qui les unit va bien plus loin. Un plan, sublime, nous montre Patrick montant l’escalier monumental du Palais, tenant dans ses bras une Isabelle inanimée. La Belle et la Bête ne peut que s’imposer. Dans cet univers sombre, tranchant, au goût de métal, c’est lui qui apporte le plus d’humanité.

Ces coulisses fictionnelles du pouvoir et de sa solitude, dans un véritable moment d’agonie, peuvent déranger, voire contrarier ou davantage au moment où les Français doivent choisir leur futur Président. J’en conviens aisément !  

Robert Pénavayre

Culture 31 • Cinéma

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